Vous ne pensiez tout de même pas débuter cette nouvelle année de headbanging science sans savoir comment reconnaître un Viking tout de même ? Allez, ôtez-moi ce grotesque casque à cornes et appareillons sur le langskip d’Amon Amarth pour rectifier quelques idées reçues sur les hommes du Nord.
De très sérieuses études inventées à l’instant démontrent que 50 % des Suédois (et assimilés) jouent dans un groupe de métal – les 50 % restant achètent de la musique métal. Quel beau pays. Parmi les sous-genres les plus appréciés, le Black Metal tient le haut du pavé. Le Black Metal tient en une interrogation existentielle qui peut se résumer ainsi : une créature se demande si elle va commencer par violer votre fille ou égorger votre chèvre (ou l’inverse). Le sous sous genre du Viking Metal, c’est un peu la même chose, sauf que la créature en question est un Viking.
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Amon Amarth fait partie des groupes qui jouent à fond sur la mythologie nordique, bien qu’ils se défendent d’être un groupe de Viking Metal (pour tout vous dire, ils jouent du Death mélodique, pas du Black, mais ça cause tout de même de Valhalla à tout bout de champ). Laissons ces petits jeunes férus de culture et de tradition vous exposer leurs bonnes intentions dans le coolissime Twilight Of The Thunder God :
En mars 2012, une étude génétique sur la souris domestique (Mus musculus), publiée dans BMC Evolutionary, montrait que cette commensale avait suivi nos hardis navigateurs dans leurs pérégrinations en Islande, au Groenland ou à Terre-Neuve. En d’autres termes, nos fiers Vikings avaient tout bêtement servi de marqueur pour une étude sur des rongeurs… Pas très glorieux. Leur fierté en a encore pris un coup en novembre 2012 lorsqu’un jeune doctorant en géochimie de l’Université du Massachusetts s’est targué d’avoir retracé l’historique de l’occupation humaine d’un site lacustre des îles Lofoten, au nord de la Norvège, grâce à … du caca de Viking fossile ! La grande classe.
Il semble donc que nos amis scientifiques ne respectent plus la force brute. D’où, peut-être, cette tentative désespérée d’Amon Amarth pour redonner aux pillards sanguinaires de notre enfance un peu de leur lustre rustre d’antan. Hélas, les poncifs alignés par le Viking Metal semblent ressortir du mythe bien plus que de la réalité historique. Passons quelques lieux communs sur les Vikings tirés de l’imagerie d’Amon Amarth à l’épreuve des faits.
1. Le Viking portait un casque à cornes
Ben non. Cette représentation daterait du XIXe siècle et serait liée, selon les sources, aux pratiques folkloriques d’une clique de poètes suédois, la Götiska Förbundet (ou Gothic League), ou aux costumes des opéras de Wagner. Au combat, plutôt que cet ustensile d’opérette peu pratique, les Vikings portaient des heaumes tout ce qu’il y a de plus basiques, en cuir renforcé de bois et de fer pour la piétaille, ainsi qu’en témoignent les pièces retrouvées et les sources iconographiques. Voici celui du cimetière de Valsgärde, en Suède :
2. Le Viking, une force de la nature !
Oui, bof. L’anatomie du Viking était assez similaire à la nôtre, à ceci près que nous leur rendons tout de même 8 à 10 cm, en moyenne. Si vous preniez le métro aujourd’hui avec un Viking, vous pourriez agripper la barre et lui faire sentir les effluves de votre aisselle en toute impunité, ce qui serait peu cher payé pour leurs forfaits passés.
D’après les historiens et les archéologues qui ont travaillé sur les restes osseux trouvés dans les tombes, les corps des Vikings étaient marqués par la rudesse des travaux des champs : une musculature enviable, mais aussi de l’arthrose, des problèmes dentaires et une croissance infantile perturbée par une mauvaise nutrition. Ces grands gaillards étaient plus fragiles qu’on ne l’imagine.
3. Le Viking, un mâle, un vrai
Ah ah. Les squelettes des Vikings révèlent une distance morphologique entre les sexes assez peu marquée, à tel point que les crânes des hommes et des femmes sont difficiles à distinguer dans les tombes. Chez les hommes, un visage moins carré que ce qu’on peut observer chez d’autres peuples anciens. Pour les femmes, des mâchoires et des sourcils plus prononcés que chez les Scandinaves actuelles (et là c’est un autre mythe qui en prend un coup…).
4. Le Viking, un vrai goret
Sale, rude, débraillé, la bave au coin des lèvres, tel est le portrait habituel du Viking. Pas vrai, Johan Hegg ?
Beurk. Plusieurs sites archéologiques ont livré des pinces, des peignes, des petits nécessaires pour se curer les ongles ou se nettoyer les oreilles, des cure-dents… Tout un attirail qui plaide plutôt en faveur d’un Viking bien propret et absolument pas négligé. Des sources écrites médiévales décrivent les Vikings installés en Angleterre comme des briseurs de cœurs très soignés, ayant l’habitude de se peigner les cheveux tous les jours, de changer leurs vêtements régulièrement, de prêter attention à leur apparence par moult caprices frivoles, et même de prendre un bain le samedi ! Peut-être pas très virilement correct, mais ça leur permettait d’assiéger la vertu des femmes mariées et de quémander la main des filles de bonne famille. Des tombeurs, quoi. D’autres sources soulignent que les hommes avaient des barbes bien entretenues, les cheveux courts dans la nuque et de longues franges soignées… Là ça commence à craindre un peu tout de même.
5. Le Viking, conquérant des mers
Bon, reconnaissons-leur le mérite d’avoir poussé les premiers jusqu’en Amérique du Nord (la chose est attestée archéologiquement depuis les années 1960 et ne prête plus à controverse). Mais, et si, plutôt qu’un incroyable talent de navigateurs, les Vikings avaient eu un truc tout bête à leur disposition ?
Non, je ne pensais pas à cela. D’ailleurs, les Drakkars ne s’appelaient pas du tout ainsi ; le terme de langskip est employé pour désigner génériquement les navires de guerre. Si les Vikings purent mener leurs navires si loin, c’est grâce à un instrument de navigation dont deux physiciens français, Guy Ropars et Albert le Floch (laboratoire de physique des lasers de l’université de Rennes 1), pensent avoir percé le secret (Ropars et al, A depolarizer as a possible precise sunstone for Viking navigation by polarized skylight, Proc R Soc A, 2011).
Les Vikings auraient exploité les propriétés optiques du spath d’Islande, un cristal de calcite transparent très courant en Islande qui possède la caractéristique unique de dépolariser totalement la lumière, ce qui permet de déterminer la position du soleil même quand ce dernier n’est pas visible ou caché par des nuages. Albert Le Floch explique ainsi son utilisation : «En fait, quand on regarde à travers le spath islandais, qui se présente comme un gros cristal transparent, on voit double. La moindre luminosité dépolarisée apparaît sous la forme de deux petits rectangles de même surface. Quand le contraste de ces derniers est identique, le soleil est juste en face. Sa direction peut être relevée au degré près. » (en savoir plus sur son blog)
Bref, le talent des Vikings paraît avoir été très exagéré. Et puisqu’on en est à briser du mythe, figurez-vous que le Viking Metal n’a même pas été inventé par les Scandinaves. Eh oui, rappelez-vous Immigrant Song, de Led Zeppelin, en 1970 :
Ah, ah We come from the land of the ice and snow From the midnight sun where the hot springs flow The hammer of the gods Will drive our ships to new lands To fight the horde, singing and crying Valhalla, I am coming!Maintenant que vous savez reconnaître un Viking, gardez l’œil ouvert, on n’a peut-être pas fini d’entendre parler des ces imposteurs :
Et si vous vous sentez d’aller suggérer quelques rectifications à Amon Amarth sur leur site officiel : http://www.amonamarth.com/, n’hésitez pas.
A lire également : http://sciencenordic.com/what-vikings-really-looked