tsunami solaire: les carottes n’étaient pas cuites (fin du monde 2)

Suite des billets consacrés à la fin du monde ; après avoir réglé nos boussoles dans la première partie consacré à l’inversion des pôles magnétiques, place au Soleil : une colère extrême de notre étoile pourrait-elle provoquer un orage magnétique dévastateur pour notre civilisation hyper connectée ?

Les sautes d’humeur du Soleil sont bien connues. Elles consistent en un éjectat de particules à haute énergie qui accompagnent (mais pas systématiquement), les éruptions qui rythment son cycle. Ces nuages de gaz très chaud sont appelés éjections de masse coronale (EMC). En voici une :


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Lorsqu’elles atteignent la Terre (à plusieurs centaines de km/s), elles sont susceptibles de provoquer quelques dégâts, en raison de leur puissant champ magnétique : si ce dernier est opposé au champ magnétique terrestre à l’endroit du point de contact, des phénomènes électriques se développent, qui vont par une longue chaîne créer, outre de très belles aurores, des courant électriques dans l’ionosphère (très haute atmosphère). Ces courants vont à leur tour induire des courants électriques de surface qui produisent de l’érosion et des dommages dans toutes les grandes structures métalliques allongées est/ouest (oléoducs, gazoducs) ainsi que, plus rarement, des surtensions dans des lignes à haute tension et de possibles pannes électriques.

les dégâts des courants magnétiques induits

 

Doit-on alors redouter un « big one » solaire ? Une EMC extraordinaire susceptible de provoquer sur Terre un orage géomagnétique géant qui provoquerait un black-out généralisé ? Si l’on se pose la question, c’est que l’on dispose de quelques précédents :

  • 2003 : Coupure d’une heure en Suède ; transformateurs endommagés en Afrique du Sud.
  • 1989 : 6 millions de personnes privées de courant au Québec pendant neuf heures ; facture: 2 milliards de dollars.
  • 1859 : le 28 août et le 1er septembre, deux orages magnétiques intenses frappèrent les contemporains par leurs effets spectaculaires : aurores tropicales (!) permettant de lire la nuit ; incendies et décharges électriques touchant les télégraphistes.

René, t'as pas éteint la lumière !

 

Cet « évènement de Carrington », du nom de l’astronome qui le premier rapporta l’éruption du 1er septembre, est resté dans les annales. On en a reparlé il y a peu, par exemple dans ce billet de Pierre Barthélémy en date du 18 avril 2012 (notez bien la date ; et pas parce que c’est celle de mon anniversaire). Si Pierre Barthélémy évoquait alors le sujet, c’est que le jour même paraissait dans Nature le papier alarmiste d’un spécialiste britannique du Soleil, Mike Hapgood. Le chercheur y exhortait nos sociétés à se préparer dès à présent aux conséquences catastrophiques qu’un orage géomagnétique géant, similaire à celui de 1859, pourrait avoir sur des économies modernes, devenues si dépendantes des réseaux électriques. L’alerte fut abondamment relayée.

 

l'impact d'un orage magnétique sur les réseaux fait l'objet de nombreuses projections

 

 

Mais ce fameux événement de 1859, sur lequel toutes les craintes reposaient, avait-il été aussi extraordinaire qu’on le pensait ?

L’événement de Carrington était jusque-là considéré comme exceptionnel à cause de l’analyse de la composition isotopique du nitrate d’une carotte de glace du Groenland, signature présumée d’un événement cosmique de forte ampleur qui aurait frappé la terre en 1859.

Mais cette carotte, argument n°1 du scénario catastrophe du tsunami solaire, allait fondre… comme neige au soleil dès le 28 avril 2012. Une étude publiée dans Geophysical Resarch Letters, The Carrington event not observed in most ice core nitrate records, indiquait sobrement :

  1. Que la plupart des carottes de glace analysées ne présentent pas de “pic” de nitrate pour l’année 1859 (soit 13 sur 14 !)
  2. Que les pics de nitrates présents dans les carottes du Groenland s’expliquent normalement à partir de la combustion de la biomasse, et n’ont donc aucune cause spatiale
  3. Qu’aucune statistique sur les particules énergétiques du Soleil ne peut être établie à partir de cette présence du nitrate dans la glace terrestre.

Il s’avérait donc que la puissance de l’orage de 1859 avait largement été surestimée et que cette surestimation ne reposait que sur l’analyse chimique d’une seule carotte glaciaire. Que personne n’en ait fait mention alors peut encore se comprendre. Malheureusement, l’événement de 1859 refait surface dans l’actualité apocalyptique sans que ce petit correctif soit mentionné par quiconque…

 

dommage, ça aurait pu être joli...

 

 

Pour conclure de façon plus générale sur l’aspect irréaliste de ce scénario du Soleil en surchauffe, relevons que nous effectuons un suivi observationnel des éruptions solaires depuis environ 150 ans, et un suivid des taches solaires depuis 400 ans (300 régulièrement). La théorie établit un lien entre l’énergie des éruptions et la taille des taches et on dispose de modèles qui permettent de prédire l’énergie des éruptions en fonction de la taille des taches. Ce que ces modèles permettent de voir, c’est que pour qu’une éruption gigantesque ait vraiment un impact sociétal (ie : que votre grille-pain soit inutilisable pendant un bout de temps), il faudrait que les taches à la surface du Soleil soient tellement grosses qu’on verrait à l’œil nu notre étoile avec deux gros yeux noirs. Gageons que, depuis le temps que l’homme regarde le Soleil, on aurait déjà eu des témoignages historiques d’un tel phénomène ! La conclusion qui s’impose pour les spécialistes est donc que le soleil ne sait pas produire les conditions d’une éruption gigantesque, même s’il en a largement l’énergie.

Vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles. À moins que vous soyez sur une liste de candidats pour l’espace, car là, l’environnement solaire demeure un épineux problème à résoudre…

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le plastique c’est fantastique (hs#21 GOJIRA, Toxic Garbage Island)

Ça y est, vous avez bien profité de la mer pendant les vacances ? Vous avez bien ramassé vos bouteilles d’eau, évité que vos sacs en plastique s’envolent et récupéré les bouchons de vos tubes de crème solaire, n’est-ce pas ? Non ? Alors il va falloir nettoyer maintenant.

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Histoire de vous motiver, le headbanging science sort l’artillerie lourde, avec Gojira et son Toxic Garbage Island, tiré de l’album The Way of All Flesh sorti en 2008, ci-dessous en live aux Vieilles Charrues en 2010 :

Si vous êtes familier du bLoug, vos oreilles doivent être habituées, désormais, et vous avez pu aller jusqu’au bout pour entendre Joe Duplantier brailler son Plastic bag in the sea!. Pas courant, comme paroles, pour un groupe de Death, fût-il mélodique, mais révélateur de la fibre écolo du groupe, qui serait suffisante en soi pour le faire figurer au sommaire de cette illustre rubrique. Un mégaptère pour emblème, plusieurs morceaux révélant des préoccupations environnementales réelles, et une accointance avec l’ONG coup-de-poing Sea Shepherd et son capitaine pirate emblématique Paul Watson : le groupe doit (mais quand ?) sortir un EP intitulé Sea Shepherd et milite sur son site pour l’ONG ; laquelle se trouve compter dans sa flotte un trimaran monocoque de 35 mètres filant 24 nœuds baptisé Gojira (soit le sobriquet japonais originel de Godzilla, et aussi le premier nom du groupe).

 

"tiens, des pollueurs..." "on leur envoie ton bateau ou un solo de batterie de Mario ?"

 

Bon, et Toxic Garbage Island alors ? Le titre fait référence à la célèbre « Plaque de déchets du Pacifique nord » (GPGP pour « Great Pacific Garbage Patch », en anglais). Un phénomène qui prend naissance dans une des gyres océaniques, zones de hautes pressions où les vents sont faibles et où les courants s’enroulent selon le principe de la force de Coriolis, piégeant dans leur dérive toutes sortes de déchets qui s’y amassent progressivement, des microplastiques au débris de coques de navires en passant par les filets de pêche. Cette gigantesque poubelle de mer est telle que l’on en est venu à parler d’un continent ou d’une île de plastique – d’où la Toxic Garbage Island de Gojira.

 

Les quatre principaux courants océaniques qui parcourent la moitié nord de l’océan Pacifique entourent la gyre Nord-pacifique, zone de convergence des déchets ©Arte

Si vous n’avez pas entendu parler du phénomène, je vous conseille cet excellent diaporama du Dessous des Cartes, ou cet article d’Audrey Garric du Monde. Nous soulignerons ici simplement un intéressant paradoxe.

 

Ceci n’est pas une île

En réalité cette fameuse île de plastique n’en pas une. En ceci qu’elle ne présente pas une surface solide et qu’elle n’est même pas visible sur les photos satellites, ce qui interdit sa localisation et sa mesure exactes. Il s’agit plutôt d’une sorte de soupe très diluée d’éléments pour la plupart microscopiques, flottant entre deux eaux, seulement visible du pont des bateaux. À tel point que l’océanographe américain Charles J. Moore ne l’a découverte que par hasard au retour d’une course à la voile en 1997.

L’image du continent ou de l’île ne recouvre donc pas exactement la réalité. Douée de la vertu de sensibiliser le grand public, elle provoque aussi l’irritation de certains scientifiques, telle l’océanographe Angelicque White de l’Université de l’état de l’Oregon, qui, en 2011,s’est crue obligée de rectifier le tir par la voie d’un communiqué de presse, avertissant que la Grande plaque était 100 fois plus petite que ce que les médias racontaient. Malgré les bonnes intentions de la chercheuse, il n’est pas difficile d’imaginer l’impact contre-productif de la démarche auprès d’un grand public ayant besoin de se représenter physiquement le phénomène, mais déjà abreuvé d’estimations fluctuantes (2  fois la taille du Texas, 5 ou 6 fois la France, 1,5 ou 3,5 millions de km2… sans parler des estimations de poids, de densité, d’épaisseur ou de nombres de déchets !).

L’image de l’île escamote en outre d’autres faits : la fameuse Grande plaque serait en fait constituée de deux plaques différentes et elle compte des petites camarades sur la plupart des eaux du globe (y compris dans l’Atlantique nord, découverte en 2010).

 

Ceci n’est pas tout à fait la mer non plus

Au-delà de ces grands écarts entre hyperboles des gros titres et réalité scientifiques, notre non-île sur laquelle on ne peut pas marcher offre tout  de même un substrat suffisamment solide pour qu’un insecte marin ait pu en tirer profit et y proliférer – comme quoi tout est toujours question d’échelle.

En effet, Halobates sericeus, surnommé « patineur des mers » (voir ci-dessus), est une araignée d’eau qui a transformé les particules flottantes de la Grande plaque en sites de ponte grand luxe dont il a besoin, mais qu’il ne trouve que rarement en eaux propres. Un véritable sol en pleine mer constituant une aubaine et conduisant ainsi à une véritable explosion démographique de notre patineur (voir l’étude publiée en ligne le 9 mai 2012 dans Biology Letters). Si cet insecte offre un bel exemple d’adaptabilité, sa prolifération pourrait malheureusement déséquilibrer de l’écosystème, puisqu’il se nourrit de plancton, qui se trouve à la base de la chaîne alimentaire.

Si l’on tient compte du fait que la masse de particules plastiques de la Grande plaque est estimée à six fois celle du zooplancton et que ces plastiques s’accumulent par ailleurs dans les estomacs des poissons, des méduses ou des oiseaux marins, fixant de nombreuses toxines (DDT, PCB…) dans des concentrations anormales, on est finalement bien tenté de gueuler « Plastic Bag in the Sea » à l’unisson avec Gojira.
Quitte à renommer leur titre « Toxic Garbage Non-Island ».

c'est bon, on peut rentrer, y a plus de sacs

 


l’Agence tous risques du climatoscepticisme français

 

Après le récent flop du climategate 2, le barnum Sarkozy vient de rattraper ce vieux chewing-gum d’Allègre… lequel n’aurait (ouf!) pas l’intention de briguer un nouveau maroquin… Prudent, le bLoug préfère mettre en garde les lecteurs innocents contre un retour de la plus fine équipe du french climatoscepticisme.. celle de… l’Agence tous risques !

 

Pitch

[« Accusés d'un crime qu'ils n'ont pas commis, n'ayant aucun moyen d'en faire la preuve, ils fuient sans cesse devant leurs poursuivants. Pour subsister, ils emploient leurs compétences. Si la loi ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l'Agence tous risques. »]

Agacé par un climat qu’ils n’ont pas compris, n’ayant aucun moyen d’apporter des preuves, ils se dérobent sans cesse devant leurs contradicteurs. Pour subsister, ils dévoient leurs compétences. Si la science ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l’Agence tous risques.

 

Personnages

Colonel John « Hannibal » Smith
[Amateur de déguisements en tous genres et cerveau de l'équipe ; auteur de la célèbre réplique "j'adore quand un plan se déroule sans accrocs"...]

Colonel Jean « Hannibal » Martin (aka Jacques Duran)

Jean Martin est l’animateur du site Pensée-Unique, repaire favori des climato-sceptiques français. Il a agité la blogosphère en entretenant le mystère sur son identité. Sous le pseudo de Jean Martin se cache Jacques Duran, directeur de recherches au CNRS à la retraite, spécialiste de la physique des poudres et des grains… domaine dont le lien avec le climat saute bien évidemment aux yeux. Non content d’être un fatras de tout ce qui peut nuire au GIEC et contribuer à la désinformation, Pensée -unique est également une atteinte au bon goût visuel.

Incontestablement un bon plan pour le climatoscepticisme que d’avancer masqué sur la toile. Heureusement, les plans d’Hannibal ne se déroulent généralement pas comme prévu.

 

Lieutenant Templeton « Futé » Peck

[logisticien de la bande, c'est un baratineur hors pair ; grand séducteur, il mène un train de vie luxueux et aime les belles voitures...]

Lieutenant Luc « Futé » Ferry

Doit-on vraiment présenter l’immense philosophe de plateau qu’est Luc Ferry ? Cet ancien ministre de l’Education et de la Recherche est une recrue de choix pour l’Agence. Intime des Bogdanov, promoteur des ouvrages de Jean Staune, il ne pouvait qu’affirmer sa profonde compréhension de la science en rejoignant les rangs du climatoscepticisme et en défendant les œuvres d’Allègre. Côté réseau, c’est bingo: le carnet d’adresses du salonnard est fourni en adresses de tous bords et en bons plans variés, comme celui qui consiste à être payé 4500 € par mois pendant 14 ans pour un poste d’enseignant à Paris Diderot sans jamais y avoir mis un orteil.

Un sacré recrutement pour l’Agence, mais sans doute pas très fiable: ces derniers temps, notre petit futé s’ingénie à se démarquer du sarkozysme pour se dégotter une nouvelle auberge.

 

Capitaine Henry M. « Looping » Murdock
[pilote émérite, très cultivé, il est aussi interné pour une folie galopante : il s'identifie à des personnages fictifs, a des hallucinations et parle à un chien invisible...]

Capitaine Vincent « Looping » Courtillot

Vincent Courtillot, désormais ex directeur de l’Institut de physique du globe de Paris, aurait pu être professeur de grec ancien. Il a finalement mené une brillante carrière de géophysicien avant de se prendre pour Mr Soleil. Il s’est brûlé les ailes en cherchant à démontrer une corrélation entre géomagnétisme, activité solaire et variation des températures moyennes de la Terre, courbes truquées à l’appui. Ses pairs ont vilipendé ses méthodes et ses erreurs de débutants mais n’ont pas réussi à le ramener au sol : Courtillot plane, persuadé que la Terre est plate et noire, tout comme il était convaincu du rôle prééminent du volcanisme dans la disparition des dinosaures.

Capable d’affirmer que le bouquin de son mentor Allègre « ne paraît contenir que des choses exactes », Vincent « Looping » Courtillot court probablement les castings pour le remake de Y a-t-il un pilote dans l’avion.

 

Sergent Bosco B.A Barracus « Barracuda »
[le gros bras de service, phobique des engins volants, constamment en trains de se chamailler]

Sergent Claude Allègre « Barracuda »

Oui, il aurait sûrement voulu être le chef, mais un ex-éléphant ne saurait jouer Hannibal, fût-il  doté d’un égo de la taille du massif alpin, et le rôle de Barracuda colle admirablement à son style tout en finesse. Ses gros bras lui permettent de lutter contre la force centrifuge de l’âge, qui l’éloigne inexorablement du pouvoir : amiante, mammouth, climat, nucléaire, crise de l’euro…, notre « Barracuda » de la science est prêt à castagner tout ce qui bouge dans les médias pour exister. A condition d’être seul contre tous, tel un Galilée des temps modernes. Aimant cogner à grands coups de pavés, il tient son chef d’œuvre avec L’imposture climatique : “la quantité de torsions de la réalité, de mensonges directs ou par omission, de calomnies et de méchancetés imprimées par centimètre carré de papier y est étourdissante” juge un Stéphane Foucart admiratif ; sa phobie de l’exactitude est telle qu’il arrive à citer des sources en se trompant sur le nom de l’auteur, le nom de la revue et la date de la publication !

Une performance qui lui vaut sans doute de bénéficier de la perpétuelle brosse à reluire de médias complaisants… Mais nous devrions malgré tout en profiter, avant qu’il se mette à la littérature érotique…

 

 

la possibilité d’une île

23 décembre 2011. Naissance d’une nouvelle île au large de la côte ouest du Yemen capturée par une caméra haute résolution d’un satellite de la Nasa. Un épais panache de fumée (probable mélange de cendres et de vapeur) témoigne de l’activité volcanique du Rift de la Mer Rouge, où plaques arabique et africaine s’écartent l’une de l’autre. ©Nasa

Voir les photos avant / après de la Nasa

 

Emissions de CO2 : le “gigatonnes gap” en graph

Le “gigatonne gap”, c’est le fossé qui se creuse entre réalité et bonnes intentions en matière d’émissions mondiales d’équivalent CO2.

En rouge, la tendance actuelle d’émission d’équivalent CO2 (en gigatonnes) aboutit à un catastrophique +3,5°C au thermomètre planétaire. En orange, la limite visée de + 2 °C (qui reste une “recette du désastre” selon le climatologue James Hansen). Entre les deux, le fossé (gap) se sera creusé d’ici 2020, date d’entrée en vigueur d’un hypothétique nouvel engagement de la communauté internationale. ©ClimateActionTracker.org


En savoir plus : article original de Nature

Photos, cartoons, infographies dans l’iconobLoug,

 

tous en Anthropocène ! (insane lectures #4)

achetez et lisez Voyage dans l’Anthropocène, de Claude Lorius et Laurent Carpentier, ça va vous faire fondre…

(insane lectures #4)


le récit d’un grand témoin

Terre Adélie, 1965. Le glaciologue Claude Lorius regarde éclater les bulles d’air d’une glace ancestrale dans son whisky… Et réalise que les glaces contiennent les archives de l’atmosphère ! L’anecdote est à l’image de ce formidable récit qui entremêle aventure humaine et appel à un éveil des consciences. Il raconte la communauté internationale des « polaires », l’amitié et l’entraide, la difficulté des campagnes de carottages en Antarctique. Il nous alerte aussi et nous donne les clés pour comprendre cette découverte inquiétante : l’homme a pris le pas sur les cycles naturels, les glaces le prouvent. Devenu force géophysique, l’humanité modèle la planète et ouvre sa propre ère géologique : l’Anthropocène. Il n’y a pas de leçon dans ce voyage, mais un besoin indispensable de raconter, et le plaisir du lecteur n’en que plus grand.

(LB, critique parue dans Ciel & Espace, n°493, juin 2011)

Voyage dans l’Anthropocène, Claude Lorius et Laurent Carpentier, éditions Actes Sud, 200 p., 19,80 €

 


Échelle des temps géologiques incorporant l’Anthropocène. Source : The Economist

Ecoutez Claude Lorius, la tête penchée, comme alourdie par le poids de ce savoir, raconter comment la science a trouvé dans les glaces la preuve irréfutable que l’homme avait pris le pas sur les cycles naturels :

3 arguments pour les réticents :

  • Le livre est beau (ça paraît idiot mais les éditeurs français ont du mal à comprendre que les livres de science ont aussi le droit à quelques égards esthétiques)
  • Belle performance d’écrivain du journaliste Laurent Carpentier : voici un livre écrit à 4 mains dont on voit bien, pour une fois, ce qu’apporte la paire additionnelle !
  • En fait, c’est aussi un roman d’aventure : c’est elle (et non le goût pour la science) qui pousse le jeune Lorius, 23 ans, à envoyer une photo de lui en footballeur pour convaincre de sa résistance physique et son désir de se frotter à la nature…  c’est donc grâce au foot qu’il sera déposé en Terre Adélie en décembre 1956  par “un phoquier puant et graisseux” pour participer au premier hivernage en antarctique…

 

profitez de l’Holocène jusqu’en août 2012, si les journalistes vous en laissent le temps

Lorius n’a pas inventé le néologisme d’Anthropocène : sa première occurrence remonte à un ouvrage du journaliste Andrew Revkin en 1992 et il a été popularisé par le prix Nobel de chimie Paul Crutzen. Crutzen fait débuter cette époque en 1784, date du brevet de la machine à vapeur par James Watt, prémice de la révolution industrielle. Il faudra attendre la 34e édition du Congrès géologique international, qui aura lieu du 2 au 10 août 20121 à Brisbane, en Australie, pour savoir si nous entrons officiellement dans l’ère de l’Anthropocène ou si nous restons dans celle de l’Holocène (nous n’y sommes que depuis 11700 ans, soit un laps de temps ridiculement court à l’échelle des temps géologiques ; télécharger la charte des dénominations officielles). C’est la Commission internationale de stratigraphie qui tranchera (cette commission dépend de l’UISG et statue officiellement sur la dénomination et le calibrage des différentes divisions et subdivisions des temps géologiques).

Pour l’heure, aucune de ces instances officielles ne semble beaucoup se préoccuper de ce petit problème de dénomination. Cela ne gêne pas certains journalistes, qui s’emballent un peu et annoncent que l’Anthropocène est terminée avant même d’avoir officiellement débuté ! C’est le cas d’Agnès Sinaï, journaliste environnementale qui prophétise dans Le Monde que Fukushima sonne le glas de l’Anthropocène (les événements du Japon représentant à ses yeux “l’épicentre symbolique de l’ère de l’anthropocène” ; en arrière-plan du raisonnement une critique du productivisme de type décroissant et la promesse de lendemains fracassants).

Comme nous sortons d’une ère qui n’existe pas encore, ne nous gênons pas pour trouver quand même un nom à celle dans laquelle nous allons entrer… Si vous commencez à être perdus, Alain Grandjean s’en charge pour vous sur terraeco.net et assène ses certitudes : “De mon côté, je n’ai pas l’ombre d’une hésitation. La prochaine ère sera le noocène. Non que l’être humain soit amené à se désincarner et à se transformer en pur esprit. Mais plus simplement parce que le système de valeurs dominant aujourd’hui (assez bien illustré par le film Avatar) est à la fois létal et mortel.”

Noocène renvoie explicitement à la noosphère, inventée par Vladimir Vernadsky, un biogéochimiste russe, et reprise et popularisée par le jésuite et paléoanthropologue français Pierre Teilhard de Chardin… Ce petit prurit de spiritualité sous couvert géologique laisse à penser qu’on n’en a malheureusement pas fini avec le retour du religieux…


le Mékong ne passera pas par les barrages – part#3

La construction de barrages sur le cours principal du Mékong est provisoirement gelée… bonne nouvelle pour la biodiversité (1ère partie) mais aussi pour la pèche et l’agriculture (2ème partie)… D’autres arguments peuvent-ils justifier  l’existence de projets si risqués ?

Un argument énergétique peut-être ? Comme le rappelle Émeline Hassendorfer de l’association Entre Deux Eaux, « Un barrage peut avoir d’autres finalités que la production électrique : régulation des flux, irrigation, apports d’eau potable, ou même barrière anti-sel comme ce serait le cas dans le delta du Mékong, sujet à ce problème ». Mais dans ces projets, seule la production hydroélectrique semble véritablement entrer en ligne de compte.

A première vue, les chiffres ne sont pourtant guère impressionnants : une capacité de 14 000 mégawatts, correspondant à une production annuelle de 66 000 gigawatts, cela ne représenterait qu’entre 6 et 8 % des besoins en énergie des quatre pays riverains à l’horizon 2025. De quoi peser lourd dans la balance ?

Plus qu’il n’y paraît. D’abord parce qu’il s’agit d’énergie renouvelable (ce qui intéresse des nations très dépendantes des énergies fossiles), mais aussi et surtout parce qu’elle profiterait essentiellement au Laos et au Cambodge, deux pays économiquement nains et énergétiquement démunis par rapport au Vietnam et surtout à la Thaïlande (34ème puissance mondiale). Alors que la Thaïlande fait état d’une couverture électrique de 95 % de sa population, le Laos n’atteint que 60 %, et le Cambodge, lui, n’a même pas de véritable couverture nationale. On s’en doute, ce sont les régions rurales les plus défavorisées en matière d’accès à l’énergie, et parmi celles-ci, les populations riveraines du fleuve. Un point commun aux quatre pays, leur demande en électricité a crû de 8 % par an ces dernières années, portée par une croissance soutenue. Cela n’est pas près de s’arrêter : la zone prévoit un taux de croissance annuel moyen d’au moins 5 % jusqu’en 2030 ! y compris pour la Thaïlande, alors que ce pays est déjà beaucoup plus avancé que ses voisins.

Copyright © 2007, Suthep Kritsanavarin

Les besoins énergétiques justifient-ils pour autant la construction de barrages sur le Mékong ? Pour le Cambodge, très certainement, car le pays n’a que peu d’alternative pour satisfaire à sa demande nationale d’énergie. Le Laos, lui, pourrait faire l’impasse sur cette nouvelle source d’approvisionnement : son potentiel hydroélectrique sur les affluents est suffisamment conséquent, construire sur le cours principal du fleuve lui rapporterait au mieux un peu plus de devises à l’export. Pour le Vietnam et la Thaïlande, déjà producteurs d’une énergie abondante et relativement peu chère, les barrages sur le Mékong ne changeraient pas fondamentalement la donne, ni en termes de coût ni en termes de sécurité d’approvisionnement.

un jackpot trompeur

Au-delà de la satisfaction des besoins énergétiques nationaux, les barrages pourraient rapporter entre 3 et 4 milliards de dollars de recettes par an en 2030. En théorie, une manne providentielle pour investir dans le développement social et économique et réduire la pauvreté : c’est là l’argumentaire-type en faveur de tout projet de la sorte, mais c’est un raisonnement à courte vue, comme le décrypte le rapport de la MRC. En réalité, les ouvrages sur le Mékong contribueraient à renforcer les inégalités. A court et moyen terme, la pauvreté serait encore aggravée, en particulier chez les populations démunies dans les zones rurales et urbaines riveraines – les barrages, ce sont avant tout les promoteurs, les financiers et les gouvernements hôtes qui en récolteraient les fruits. L’inégalité vaut aussi entre pays. Le Vietnam et le Cambodge risqueraient de subir des pertes nettes, au moins dans un premier temps. Tout simplement parce que l’essor d’un secteur de l’économie (ici l’énergie) peut se faire au détriment d’autres secteurs, non moins vitaux (en l’occurrence, la pèche et l’agriculture). Au Cambodge, l’économie de la pèche, primordiale pour le pays, serait particulièrement mise à mal par les barrages. Au Vietnam, ce sont les populations du delta du Mékong, qui vivent d’une riziculture extraordinairement productive, qui seraient touchées. Seul le Laos devrait finalement bénéficier d’une croissance économique significative grâce aux barrages… mais non sans risque, puisqu’elle s’assortirait d’effets inflationnistes et d’une dégradation du taux de change qui pénaliserait le marché des biens de consommation, vecteur de réduction de la pauvreté…

Tableau toujours très en demi-teinte en matière d’emploi puisque les effets devraient se limiter à la période de construction et que la main d’œuvre, notamment qualifiée ou semi-qualifiée, ne pourrait être fournie localement. Plus généralement, plus de la moitié des ressources, quelles soient humaines ou techniques (ingénierie, équipement…), devraient être importées, seule la Thaïlande étant à même de manufacturer certaines pièces hydrauliques, par exemple.

Au final, les gains paraissent minces, les risques réels. Mais le bilan exact reste difficile à poser. Tout simplement car, comme le reconnaissent eux-mêmes les experts, « Les coûts sociaux et écologiques de ce type de projet ne peuvent être abordés par les instruments économiques classiques ». En d’autres termes, il est peu probable, voire impossible, que l’on arrive à chiffrer de manière réaliste les mesures nécessaires de protection de l’environnement et des populations.

le poids de la fierté nationale

La vision traditionnelle des barrages  en fait un moyen de choix pour la construction et le développement d’une nation. Propagée par une industrie barragière prospère, cette vision réductrice a de quoi convaincre les gouvernements, séduits par l’idée que les investissements étrangers puissent revenir à long terme, “sans frais”, à leur économie nationale.

Pour son développement, le Laos a ainsi misé sur l’hydro-électrique, avec l’ambition de devenir la « pile » de l’Asie du Sud-Est. Mis en service en mai et tout juste inauguré, l’ambitieux barrage de Nam Theun 2 illustre bien cette politique et préfigure très probablement ce qui sera en jeu si les barrages sur le Mékong voient le jour. Pour le pays (l’un des plus pauvres du monde), son coût de 1,3 milliards de dollars est exorbitant, mais il est compensé par la perspective de bénéfices à terme. Pour les villageois démunis, l’accès à l’électricité est le prélude à de meilleures conditions de vie : installations sanitaires, eau potable, routes praticables en toutes saisons permettant un meilleur accès aux écoles et aux soins de santé… Un bilan flatteur mais qui pourrait être trompeur car il évacue la question de la durabilité. Il s’agit de communautés, qui dépendaient autrefois des ressources naturelles (forêt, poissons) que les barrages ont rognées ou annihilées. Quels moyens de subsistance durables vont-elles pouvoir substituer à ces ressources naturelles définitivement perdues ?

Nam Theun 2 pose une autre question, celle des affluents du Mékong. Les barrages sur le cours principal du fleuve constituent en fait l’arbre qui cache la forêt : ce ne sont pas moins de 88 projets qui sont prévus d’ici à 2030, tous les autres concernant des affluents. Dans les scénarios élaborés par les experts de la MRC il ne semble pas y avoir place au doute : ces barrages secondaires se construiront, au moins pour partie. Mais même en nombre, ils seraient un moindre mal puisqu’ils devraient avoir des répercussions négatives limitées tout en contribuant significativement aux besoins énergétiques de la zone. Ce qui souligne en creux la très relative nécessité des ouvrages sur le cours principal du fleuve.

Les poissons-chats géants du Mékong ont donc gagné un sursis de 10 ans. Que vaut cette décision sachant que les pays de la région ne sont pas tenus de respecter les recommandations de la MRC ? Selon Émeline Hassendorfer, même si tout n’est pas optimal dans leur coopération, les quatre pays membres « reconnaissent que la MRC est l’organe qui gère le fleuve et s’en remettent entièrement à elle ». Du reste, les règles de fonctionnement de la commission traduisent une « réelle volonté d’égalité entre les membres et toute décision de construction sur le cours principal du fleuve requiert le consensus des quatre pays ». Dans ces conditions, difficile d’imaginer le Laos, qui a le plus à gagner, faire cavalier seul et mettre à bas tous les efforts de concertation régionale pour produire une électricité qu’il lui faudrait de toute façon revendre à ses partenaires…

Si problème de coopération transfrontalière il y a, c’est en amont qu’il faut le chercher. La Chine, qui n’est pas membre de la MRC mais collabore avec elle en tant qu’observateur, a ses propres projets de barrages sur le Haut-Mékong. Certains sont déjà opérationnels. Et ils n’ont pas manqué de faire polémique lorsque, au printemps dernier, le niveau du fleuve au Laos et dans le nord de la Thaïlande a atteint son plus bas depuis 50 ans, occasionnant une grave sécheresse et des remous diplomatiques sérieux. La situation s’est depuis apaisée. De là à ce que la Chine suspende à son tour ses projets pour 10 ans ?

le Mékong ne passera pas par les barrages – part#2

La construction de barrages sur le cours principal du Mékong est provisoirement gelée (1ère partie) ; c’est une bonne nouvelle pour la biodiversité ; qu’en est-il pour la pèche et l’agriculture ?

Au-delà de l’enjeu environnemental, la raréfaction des poissons est surtout une question de survie pour les populations riveraines, pour qui la pêche représente une ressource alimentaire cruciale. Chaque année, 2,1 millions de tonnes de poissons sont capturées dans la région, soit près de 20 % de la production mondiale ! Cette activité intense serait sévèrement touchée par les barrages : moins 600 000 tonnes par an, soit des prises amputées de près de 30 % ! Les lieux de pêche nouveaux que constitueraient les réservoirs des barrages ne compenseraient qu’un dixième de ces pertes.

Et cela ne s’arrête pas là : à terme, la réduction importante des flux de sédiments et de nutriments aurait aussi des répercussions sur les ressources côtières, et affectera iten particulier le Vietnam, pays où ce type de pèche est en plein essor. Quant à l’aquaculture, elle serait aussi menacée, faute de nourriture pour les poissons d’élevage… Plus qu’une ressource alimentaire, c’est en fait toute l’économie de la région qui vacillerait, la pêche conditionnant la survie d’une multitude de petites activités en amont (bateaux, production de sel et de glace…) et en aval (toute la filière agro-alimentaire).

Les populations locales ont-elles conscience de leur précarité ? Pour avoir visité différentes communautés de pêcheurs au Cambodge, Émeline Hassendorfer (Entre deux eaux) relève que « certains pêcheurs, qui servent de point-relais aux programmes du MRC, sont plus impliqués et plus conscients des enjeux ». Mais, dans leur grande majorité, on a affaire à des communautés isolées. « Leurs membres ne vont jamais dans les grandes villes et ne sont même pas au courant des projets de barrages », reconnaît-elle.

La pêche n’est pas la seule activité menacée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’agriculture ne profiterait pas des barrages. Les nouvelles capacités d’irrigation ne permettraient pas de compenser la perte de terres exploitables inondées. Par ailleurs, les apports en nutriments naturels (phosphates) diminuant à cause des retenues d’eau, le recours aux engrais irait croissant, ce qui représenterait un surcoût délicat à supporter. Globalement, c’est donc la sécurité alimentaire des riverains qui se trouverait menacée.

Un cortège de conséquences néfastes pourrait compléter ce tableau : déménagement de 100 000 personnes qui perdront leur maison et leur terres, risques de pollution, accélération de la déforestation, repoussoir pour le tourisme… Mais il s’agit là d’une liste de périls assez générique, qui n’a rien de très spécifique à la situation du Mékong…

à suivre : 3ème partie – économie et politique énergétique

le Mékong ne passera pas par les barrages – part#1

Compte tenu des risques pour les écosystèmes et surtout pour l’avenir social et économique des populations riveraines du Mékong, la construction de barrages sur le cours principal du fleuve est provisoirement gelée.

1ère partie

On a du mal à imaginer à quoi peut ressembler le « ouf » de soulagement d’un poisson-chat géant de 3 mètres de long et pesant 350 kilos… mais on a pu entendre assez distinctement celui des défenseurs de cet emblème de la biodiversité lorsqu’il a été décidé, en octobre dernier, de suspendre les projets de barrages sur le Mékong pour une période de dix ans.

Cette décision constitue la recommandation essentielle d’un rapport d’experts rendu public par la Commission du fleuve Mékong (MRC), organe consultatif intergouvernemental regroupant la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Vietnam. Ce rapport examinait en détails les avantages, coûts et impacts de la construction projetée de douze barrages hydroélectriques dans la zone dite du Bas-Mékong (la partie inférieure du fleuve), jusqu’alors exempte de tout barrage sur le cours principal.

293 kg de poisson-chat

Il est des raisons évidentes de se réjouir de cette décision. D’abord parce que l’ensemble de la région constitue un réservoir d’espèces impressionnant. Navire-amiral de la biodiversité, le poisson-chat géant traîne ainsi dans son sillage une véritable cour des miracles : un poisson-vampire, un autre qui joue les aspirateurs, une grenouille qui chante, un oiseau chauve, et une orchidée carnivore pouvant atteindre la bagatelle de sept mètres de long. En tout, 145 nouvelles espèces ont été répertoriées dans le Mékong en 2009, un taux de découvertes quasiment sans égal dans le monde.

une légende laotienne veut que les poissons-chats géants se rassemblent chaque année dans une grotte et décident quels poissons migreront vers le nord pour pondre et quels poissons devront se sacrifier aux pécheurs

Les barrages font peser une menace réelle sur la biodiversité : ils perturbent ou détruisent des habitats naturels et fragmentent les écosystème, empêchant les migrations d’espèces aquatiques. Mollusques, amphibiens et oiseaux seraient fortement impactés, ainsi que les tortues, les crocodiles, les loutres, ou encore le dauphin du Mékong, avec à la clé, pour certaines espèces endémiques, une extinction totale.

La situation est sans doute encore plus préoccupante pour les poissons. Avec 781 espèces actuellement recensées, le Mékong constitue le deuxième réservoir de biodiversité au monde pour les poissons, après l’Amazone. Les experts mandatés par la MRC estiment que 50 % des espèces de poissons pourraient disparaître dans certaines zones. Émeline Hassenforder, présidente de l’association Entre Deux Eaux, a pour sa part analysé différents projets de coopération transfrontalière autour de l’eau. Au sujet du Mékong, elle souligne le rôle important joué par le lac Tonlé Sap, au Cambodge : « Pendant la saison sèche, l’eau s’écoule du lac et vient alimenter le fleuve. Pendant la saison des pluies, le flux s’inverse et le lac triple en taille. Il s’agit d’une sorte d’éponge naturelle, qui permet de réguler le cours du fleuve et qui est capital pour la migration des poissons. » Première menace pour la migration des poissons, ce système vital du Tonlé Sap serait mis à mal par les barrages. Puis les barrages eux-mêmes constitueraient des obstacles évidents se succédant sur le parcours des poissons vers leurs zones de frai, sans solution d’aménagement opérationnelle compte tenu du nombre d’espèces différentes concernées et de la hauteur prévue des constructions.

à suivre : 2ème partie – l’économie de la pèche et l’agriculture

en savoir + : la commission du fleuve Mékong