quelques menus problèmes de peau (hs#9 : SLAYER, Dead Skin Mask)

C’est la rentrée, le bLoug est prêt à utiliser la terreur pour que vous l’ayez dans la peau : Welcome to Plainfield, Wisconsin, en compagnie d’Ed Gein, le boucher du Wisconsin, suavement hurlé par Slayer dans Dead Skin Mask. Et si ça ne suffit pas, on rajoutera des bactéries dévoreuses de chair !

headbanging science (la rubrique musicale des titres qui ont (presque) un rapport avec la science) : #9 : SLAYER – DEAD SKIN MASK


Tirée du Unholy Alliance Tour, tournée annuelle nord-américaine et européenne ayant Slayer pour tête d’affiche (et à laquelle a participé Mastodon, notre précédent HS), cette vidéo de Dead Skin Mask vous invite à vêtir vos plus beaux atours nécrophiles. Ce classique du combo de Huntington est paru en 1990 sur l’album Seasons in the Abyss, prétendant au titre de meilleur album du groupe. Pas de clip rigolo cette fois-ci, mais peu importe : Slayer à l’étrange talent de sonner mieux live qu’en studio, une rareté pour un groupe de thrash.

Marketé stupidement groupe le plus violent du monde, Slayer est un habitué des controverses en raison, notamment, de thématiques pas franchement consensuelles : satanisme, religion, guerre et Holocauste… Le groupe aurait même été mis à profit pas l’US Army en Iraq pour tenter d’effrayer les troupes de Saddam Hussein – ou essayer de les rendre sourdes ? Ici, point de tintouin, nous sommes dans le doux domaine de la décoration d’intérieur… Enfin, pas n’importe laquelle. Celle, très particulière de Ed Gein, aka “le boucher de Plainfield”, un des tueurs en série les plus marquants de l’histoire des Etats-Unis… Pas forcément pour de bonnes raisons.

La maison des horreurs, 50 ans avant l’invention de Damidot

Plainfield, Wisconsin. 640 habitants. Une sorte de désert rural boisé et plat comme une limande (dont le bLoug vous a appris qu’elles pouvaient être meurtrières) émaillé de granges sinistres aux allures de nids de serial killers. Le 16 novembre 1957, jour de l’ouverture de la chasse au cerf, disparaît Bernice Worden, 58 ans, boutiquière de son état. Les policiers trouvent du sang sur le sol de son magasin ainsi qu’une cartouche vide et constatent l’absence de la caisse enregistreuse. Sur le comptoir, une facture pour de l’antigel, au nom d’Edward Gein.

Edward Theodore Gein, né le 27 août 1906 à La Crosse, non loin de Plainfield, est une sorte de vieux garçon solitaire un peu étrange mais gentil (on lui confie du baby-sitting…). Il est aussitôt arrêté, d’abord pour vol. La police se rend dans sa ferme, située sur un terrain isolé de 80 hectares entouré de bois et de champs. A l’intérieur, il fait sombre, la nuit est tombée et la ferme ne possède pas l’électricité. La police découvre des pièces impeccablement rangées – en réalité sanctuarisées en hommage à sa défunte mère -, à l’exception de la cuisine et de la chambre de Gein, remplies d’un invraisemblable bric-à-brac pourrissant et empestant, interdisant presque que l’on s’y déplace.

la cuisine d’Ed Gein, un sens très particulier de l’ordre

En inspectant la cuisine avec sa lampe torche, le shérif découvre, pendue à l’envers à une poutre, une carcasse décapitée, éventrée et vidée. Pas vraiment celle d’un cerf. Il vient de retrouver Bernice Worden. Du moins une partie.

ceci n’est pas un cerf

Plus de moyens (générateur et lampes à arc) permirent ensuite à la police de faire la lumière les lieux. L’inventaire macabre de leurs découvertes est des plus singuliers. Bernice Worden retrouva sa tête (la police trouva également celle, desséchée, de Mary Hogan, la première victime officielle de Gein, disparue trois ans plus tôt), mais aussi son coeur, dans un sac plastique, et ses entrailles, recouvertes par un vieux costume. D’autres trophées, plus anciens et appartenant manifestement à d’autres victimes, complétaient la déco très tendance des lieux :

  • un haut de crâne faisant office de bol,
  • des abat-jours et une corbeille à papiers en peau humaine,
  • un fauteuil lui aussi en peau humaine,
  • un lit décoré avec des crânes,
  • neuf sexes de femmes décorés dans une boîte à chaussures,
  • une ceinture faite de mamelons,
  • des masques de peau remplis de chiffons pour figurer des têtes réduites,
  • quatre nez,
  • deux vagins “frais”
  • un squelette enterré dans le jardin
  • un costume entier en peau humaine, équipé de jambières de seins et d’un sexe féminin.

En un temps (heureux) où M6 D&co et autres consternants massacres d’intérieur n’existaient pas, le tableau était choquant. La demeure, intitulée la “maison des horreurs”, va faire les gros titres de Time et de Life. L’Amérique des années 50 va se passionner pour ce cas intrigant. Gein avouera le meurtre des deux femmes précitées ainsi que la mutilation de plusieurs cadavres, également féminins, déterrés dans le cimetière local. Il fut déclaré irresponsable de ses actes et interné dans un hôpital psychiatrique du Wisconsin.

Même pas un serial killer, encore moins un serial queer

Techniquement parlant, Gein n’est pas un tueur en série puisqu’il ne fut reconnu coupable que de deux meurtres – il est toutefois probable qu’il en ait d’autres à son actif, à commencer par celui de son frère aîné Henry, qui s’opposait à la vénération de Ed pour leur mère tyrannique, Augusta, et qui fut retrouvé mort en 1944 dans des circonstances mystérieuses.

Médicalement parlant, bien que “la goule de Plainfield” soit devenue un des cas les plus documentés de l’histoire criminelle, sa description est généralement erronée. En cause, la médiatisation très forte au moment des faits, puis le passage à la postérité à travers les oeuvres cinématographiques qu’il inspira, au premier rang desquelles Psychose, d’Alfred Hitchcock, à travers le personnage de Norman Bates, et Le silence des agneaux de Jonathan Demme, via celui de Buffalo Bill (Leatherface de Massacre à la tronçonneuse étant pour sa part un cousin plus lointain).

 

la maison Bates, cousine de celle de Gein ; Psychose est basé sur un livre de Robert Bloch qui prend quelques largesses avec les faits

 La revue Jump Cut, qui analyse les médias sous l’angle de la représentation des classes, des races ou des genres, a publié en 2000 un article qui décortique de façon très documentée les contresens du cas Gein. Le texte cherche à combattre les préjugés qui poussent à placer le signe égal entre homosexualité /  travestissement / transsexualisme et psychopathologie meurtrière (le personnage de Buffalo Bill étant l’aboutissement outrancier de ce préjugé là où Norman Bates restait plus introverti). Au-delà de ce militantisme, il montre comment la postérité réduisit à tort Gein à un travesti nécrophile (voire cannibale).

Parmi les déformations imputables à l’emballement médiatique de l’époque, la déclaration à la presse du procureur Earl Kileen spéculant que le corps de Bernice Worden avait été mutilé et que son cœur avait été découvert dans une casserole sur le poêle firent pour longtemps de Gein un cannibale (cette inexactitude est présente sur de très nombreux sites qui lui sont consacrés ; on y trouve aussi mention d’un frigo alors que la ferme n’avait pas l’électricité). Le magazine Life claironna pour sa part que Gein voulait devenir une femme. Ceci seulement deux semaines après son arrestation, soit avant que tout profil psychologique ait été officiellement établi. Les auteurs qui écrivirent ensuite sur lui relayèrent le pseudo désir qu’avait Gein de changer de sexe et de devenir une femme ; ils extrapolèrent à partir de faits inexacts. Les interrogatoires menés par la police allèrent un peu vite en besogne et furent certainement pour beaucoup à l’origine de ces mésinterprétations sur les désordres sexuels de Gein. Les retranscriptions montrent en effet que celui-ci, fortement influençable et éprouvant des difficultés à dissocier ce dont il se souvenait et ce qu’on lui rapportait, se livrait à une sorte de ni oui ni non involontaire, apportant des réponses qui allaient dans le sens de ce qu’on lui suggérait.

Ed Gein, le vrai

son alter ego cinématographique du Silence des agneaux

Pour l’article de Jump Cut, les projections des fantasmes de l’époque sont probablement à l’oeuvre dans ces interprétations hâtives. En cette fin des années 1950, la catégorie nouvelle du “psychopathe sexuel” se cristallise dans la société et Gein est du pain bénit pour les profileurs de tous poils. Travestissement et transsexualisme sont également des sujets chauds pour la justice et la psychiatrie de cette époque. Plus largement, la société américaine s’interroge alors fortement sur l’homosexualité et sur le rôle de la mère dans cette « déviance » : trop ou pas assez d’affection pour son rejeton pouvait en faire un inverti efféminé. De façon caractéristique, le rôle d’Augusta Gein, une absurde grenouille de bénitier profondément misandre est constamment mis en valeur dans la littérature sur Gein – il est vrai que son cas est particulièrement gratiné. Mais comme le pointe l’article, jamais aucun mot sur l’absence du père, bon à rien décédé tôt et totalement méprisé par Augusta.

Même aujourd’hui, le cas Gein reste semble-t-il délicat à diagnostiquer, tant fiction et faits sont enchevêtrés. Les interprétation freudiennes à base de complexe d’Œdipe qui aurait poussé Gein à vouloir changer de sexe pour résoudre son conflit avec sa mère adorée furent promptement balayées. Le “boucher fou” fut diagnostiqué comme un schizophrène présentant des symptômes aigus de travestissement, de fétichisme et de nécrophilie. Les expertises psychiatriques actuelles valident la schizophrénie mais certainement pas la nécrophilie. Gein nia du reste toute activité sexuelle avec les cadavres dont il détestait l’odeur. Aucun rapport récent ne le décrit non plus comme un travesti.

Quelle que fut sa pathologie, c’est bien tranquillement que Edward Gein mourut, en 1984, à l’âge de 78 ans, au Mendota Mental Health Institute (Wisconsin), l’institut de gériatrie où il avait été placé 6 ans auparavant. Il y coulait de jours heureux, véritable patient modèle… dont la seule bizarrerie était de regarder fixement les infirmières… Cause du décès ; insuffisance respiratoire. Pas de chance, a cette date, Tom Araya, chanteur et bassiste de Slayer, ex-thérapeute respiratoire, avait cessé ses activités médicales et englouti ses maigres économies dans l’autofinancement du premier album du groupe. Faute de secourir Gein, nul doute qu’il aurait aimé faire la causette avec lui, le thème des tueurs en séries étant sa marotte et un sujet d’inspiration pour ses textes (on pourrait aussi lui conseiller le cas Efren Saldivar : soupçonné d’au moins 50 meurtres, ce thérapeute respiratoire (!) californien fut surnommé Angel of Death… par ailleurs titre d’un des classiques de Slayer qui fait référence à Joseph Mengele… histoire de boucler la boucle des coïncidences du petit monde des atrocités, il se trouve que celles commises par les nazis dans les camps inspirèrent Gein, friand lecteur ; il eut peut-être à lire l’histoire de Ilse Koch, “la chienne de Buchenwald”, qui fut traduite devant un tribunal militaire américain à Dachau le 11 avril 1947 ; parmi les pièces à conviction : trois morceaux de peau tatouée ayant fait office d’abat-jour et une tête réduite…).

Dead skin arm

Le problème des histoires d’horreur c’est qu’on a toujours un peu peur, malgré soi, qu’elles nous arrivent en réalité, si fantastiques soient-elles. C’est sans doute ce que doit méditer Jeff Hanneman, cofondateur et guitariste de Slayer, plongé véritablement dans ce qui pourrait être une des chansons cauchemardesques du groupe. Son titre : Dead Skin Arm. Sans éprouver forcément beaucoup de sympathie pour Hanneman (pas innocent dans la mauvaise image du groupe en raison d’un goût douteux pour la Wehrmacht illustré par les noms consternants donnés à ses chiens : Prussia et Rommel), il est difficile de ne pas compatir à l’épreuve qu’il traverse depuis février 2011 : le voilà dévoré par des bactéries “mangeuses de chair” !

quoi fasciste ? mais puisque je vous dis que… ah fasciite… merde, c’est quoi ce truc ?

 

Fasciite nécrosante. C’est le petit nom de la maladie heureusement rare qui frappe le guitariste au bras droit. Il s’agit d’une infection rare de la peau et des tissus sous cutanés, se propageant le long des fascia (tissu qui enveloppe les muscles et les organes). Les origines de l’infection sont diverses. Elle peut provenir d’une plaie très banale. Dans le cas de Hanneman, une morsure d’araignée est évoquée. C’est probablement erroné, le diagnostic de la fasciite se révélant difficile, les araignées sont souvent mises en causes à tort. Les bactéries responsables de l’infection sont variées et souvent multiples, mais le streptocoque du groupe A (Streptococcus pyogenes) est souvent relevé. L’appellation de « bactéries mangeuses de chair », qui fit florès dans la presse à une époque, est usurpée : ces bactéries ne se nourrissent pas de la chair, mais libèrent des toxines mortelles pour les cellules vivantes conduisant à la nécrose.

Si vous présentez les symptômes suivants, inquiétez-vous :

  • Douleurs
  • Fièvre inexpliquée
  • Gonflement
  • Œdème dur et légèrement douloureux
  • Coloration rouge sombre et élévation de l’épiderme

Car ce qui arrive ensuite est particulièrement douloureux, rapide, et assez souvent mortel :

Rapidement, on assiste à la constitution de bulles remplies d’un liquide bleu tirant sur le violet. Par la suite, la peau devient fragile et prend une couleur tirant sur le bleu, puis sur le marron ou le noir. Dans un deuxième temps, l’infection est susceptible d’atteindre les aponévroses profondes (membranes fibreuses qui enveloppent les muscles en les séparant les uns des autres). Elle finit par donner une coloration gris foncé à la peau de la partie atteinte. A ce stade avancé, les patients présentent des signes toxiques et de choc qui traduisent une insuffisance de fonctionnement de plusieurs organes. Le choc, appelé également sepsis, correspond à une inflammation généralisée de tout l’organisme, et se traduit par une défaillance de tous les viscères qui n’assurent plus leur rôle normalement. (source : vulgaris-medical.com

Si vous tenez vraiment à voir les effets d’une fasciite nécrosante équipez-vous d’un sac à vomi et cliquez ici : Dead skin mask pour de vrai.

Le traitement est lourd et forcément médical et chirurgical : débridement de la peau (large incision pratiquée dans la zone infectée ; les médecins ont ouvert le bras de Jeff Hanneman du poignet à l’épaule), ablation des tissus nécrosés (morts), antibiothérapie, éventuellement oxygénothérapie,  greffes de peau (Hanneman y a eu le droit aussi).

 Tom Araya a déclaré que Slayer n’entrerait pas en studio tant que Hanneman ne serait pas rétabli à 100%. Rien ne dit que cela arrivera un jour. Le groupe avait jusqu’alors résisté aux tracas médicaux. En 2010, ce sont les cervicales de Araya qui lâchaient. Remède : une plaque en métal dans le cou. Et plus question de headbanger sur scène pour le chanteur-bassiste dont c’était la marque de fabrique… Un comble que Araya ait les honneurs de la rubrique headbanging science du bLoug finalement… Slayer, le groupe le plus violent du monde ? Pff, des mauviettes oui.

 

Pour tous vos problèmes de peau, une seule adresse : slayer.net

 

Dead Skin Mask – Lyrics: Araya | Music: Hanneman

Graze the skin with my finger tips
The brush of dead cold flesh pacifies the means
Provocative images delicate features so smooth
A pleasant fragrance in the light of the moon
CHORUS
Dance with the dead in my dreams
Listen to their hallowed screams
The dead have taken my soul
Temptation’s lost all control
Simple smiles elude psychotic eyes
Lose all mind control rationale declines
Empty eyes enslave the creations
Of placid faces and lifeless pageants
In the depths of a mind insane
Fantasy and reality are the same
Graze the skin with my finger tips
The brush of dead warm flesh pacifies the means
Incised members ornaments on my being
Adulating the skin before me
Simple smiles elude psychotic eyes
Lose all mind control rationale declines
Empty eyes enslave the creations
Of placid faces and lifeless pageants
CHORUS

 

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7 thoughts on “quelques menus problèmes de peau (hs#9 : SLAYER, Dead Skin Mask)

  1. J’aime bien le “Dead Skin Mask pour de vrai” : on dirait une pochette d’album de Brujeria. Ou un paquet de Malbif.

    Par contre, j’aime pas ces critiques faciles sur Hanneman. C’est vrai putain ! Tu vas quand même pas appeler un doberman Roméo. Et puis Jeff, c’est un bon gars. Un peu provoc’, mais finalement un type sympa, timide, à fleur de peau. Un artiste, un écorché vif, quoi !

    D’ailleurs son thème astral le prouve, extraits :

    - Votre chemin de vie est lié au nombre 7, Jeff, ce qui révèle un destin marqué par la vie spirituelle, la recherche et l’introversion.
    - Vous détestez la violence et cherchez un mode de vie harmonieux et pacifique.
    - Tout dans votre univers est subtilité, nuance.
    - Vous pouvez manquer peut-être de chaleur, d’enthousiasme, d’esprit de conquête ou d’énergie, de punch, vous pouvez paraître indifférent ou neutre à tout, presque éteint en terme d’envies, de joie de vivre ou de capacité d’entreprendre. En fait, ce n’est pas vrai, mais vous gagneriez à vous lâcher, …, à montrer votre vitalité.
    - Vous avez un côté artiste et vous ne négligez jamais dans vos actes et dans votre façon de communiquer des concepts très clairs, bien que subjectifs : le plaisir et la beauté, voire aussi la sensualité.

    Tout ça est si vrai. Vous ne regarderez plus jamais Jeff comme avant.
    Dossier complet sur http://www.astrotheme.fr/portraits/2sZdptqCPNMA.htm

  2. Pingback : la cinétique des gaz s’applique-t-elle au Heavy metal ? | le bLoug

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