la vie sur Mars (hs#28, DAVID BOWIE, Life on Mars?)

Encore inconnu, David Bowie aurait dû adapter les paroles en anglais du Comme d’habitude de Claude François. Plus préoccupé par la sortie de ses propres compositions, il se fit souffler la politesse par Paul Anka, qui commit My Way, propulsé par Sinatra. Dépité d’avoir laissé filer 100 balles, Bowie se rattrapa avec un Mars et écrivit Life on Mars?, un morceau paru sur l’album Hunky Dory en 1971, qu’il décrivit en gros comme un My Way, mais en mieux. Life on Mars? ne connut le succès que deux ans plus tard, une fois sorti en single. Le classieux clip réalisé par Mick Rock magnifiant un Bowie bleu azur dont les yeux et les lèvres maquillés ressortent du fond blanc y est peut-être pour quelque chose :

Life on Mars? est tout sauf une chanson ordinaire. Déjà, elle m’oblige à commencer ce headbanging science en citant Claude François, que j’estime musicalement à peu près autant qu’un cancrelat à qui on aurait octroyé un banjo. Ensuite, si vous entendez les accords de My Way dans Life on Mars?, vous, c’est que vous avez une oreille musicale que je n’ai pas. Enfin – et on s’en douterait presque à la vue de ce clip… lunaire –, Life on Mars? ne parle pas du tout de Mars. À vrai dire, Life on Mars? ne parle même pas d’espace. Autant dire que, pour poursuivre cette chronique scientifique, il va me falloir sortir la pelle…


De quoi parle le sublime texte de Bowie ? Il s’agit de la complainte d’une jeune ado désabusée par la société de consommation et du spectacle, et plus largement par la violence et la vacuité de l’American Way of Life. L’interrogation Is there Life on Mars? résonne comme un appel au secours adolescent : « Dites-moi qu’au moins il y a quelque chose ailleurs – de toute façon ça ne peut pas être pire qu’ici. »

Sans écrire une ligne sur le sujet, Bowie a pourtant tout exprimé sur le rapport que nous entretenons avec la planète rouge. L’homme se demande s’il y a de la vie sur Mars parce qu’il désespère de la sienne sur Terre. L’envie de vie sur Mars est une déprime adolescente. En voici quelques indices.

Mars, planète soeur

Mars faisant partie des cinq planètes visibles à l’œil nu est observée depuis que les hommes ont des yeux. Sa couleur rouge sang – et peut-être sa trajectoire erratique dans le ciel – lui vaut d’être associée à la guerre et à la destruction plutôt qu’à une quelconque oasis de vie dans une tripotée de cultures antiques. On a alors plutôt envie de laisser la planète rouge – et la vie qui s’y trouve – tranquille.

Ceci jusqu’à ce que les observations de William Herschel, à la fin du XVIIIe siècle, puis celles de son fils John, la fassent voir d’un autre œil. Mars possède des saisons, des calottes polaires qui fondent en été, des taches et des traînées sombres qui pourraient bien être des mers et des détroits, bordant des masses rougeâtres ou jaunes qui doivent être des continents. Toutes proportions gardées, dès le premier quart du XIXe siècle, les astronomes sont persuadés que Mars présente des analogies étroites avec la Terre. Ce que Camille Flammarion résume ainsi :

« Continents, mers, îles, rivages, presqu’îles, caps, golfes, eaux, nuages, pluies, inondations, neiges, saisons, hiver et été, printemps et automne, jours et nuits, matins et soirs, tout s’y passe à peu près comme ici. » (Flammarion, 1891)

C’est beau comme le guide du routard. Les conditions semblant idéales, pourquoi ne pas postuler l’existence de la vie sur Mars, et même d’une vie intelligente ? Flammarion n’y va pas par quatre chemins et avance que la planète est peuplée de races non seulement intelligentes, mais encore supérieures à nous.

Notice: réglage des canaux

Si Flammarion s’emballe ainsi, c’est parce qu’en 1877, en 1879 puis en 1881, profitant d’excellentes conditions d’observation lors d’oppositions particulièrement favorables, l’astronome italien Giovanni Schiaparelli a mis en évidence des structures rectilignes ou formant des arcs de très grands cercles qui zèbrent des planètes : des « canaux », dont certains font près de 3000 km.

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Schiaparelli n’est pas n’importe qui, il est directeur de l’observatoire de Milan et par ailleurs excellent cartographe, si bien que les cartes qu’il exécute convainquent une partie des astronomes qu’il y a bien une espèce intelligente peuplant Mars et s’amusant à jouer à SimCity grandeur nature. À partir de 1894, le riche astronome amateur Percival Lowell en rajoute une couche. Il se fait construire son propre observatoire en Arizona et se lance dans l’étude des canaux martiens. Il les aligne frénétiquement, recouvrant la planète d’une véritable toile d’araignée.

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Il faut relever ici que tous les astronomes sont loin d’être convaincus par cet étalement de tuyauteries martiennes. Pour une bonne raison : certains arrivent à les observer, d’autres non. Pourquoi tout le monde ne voit-il pas la même chose ?

Pour les esprits charitables, les observateurs persuadés de voir des canaux sur Mars sont victimes de la médiocre qualité de leurs instruments : l’observation s’effectue aux limites de la résolution instrumentale et durant les quelques fractions de seconde qui laissent entrevoir la surface. Ils sont dès lors abusés par des phénomènes d’illusion d’optique tout ce qu’il y a plus de naturels. C’est l’explication que propose l’astronome grec naturalisé français Eugène Michel Antoniadi, qui, grâce à la grande lunette de l’observatoire de Meudon et à un œil particulièrement exercé pour interpréter ombres et contrastes pour en déduire les reliefs, fut le grand démystificateur des canaux de Mars. Voici ce que Antoniadi voit par exemple le 20 septembre 1909 :

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C’est déjà nettement moins rectiligne (et plus joli), n’est-ce pas ? Si quelque chose construit des canaux là-haut, c’est sans doute après avoir abusé du genépi, ou de son équivalent martien. Dans l’ouvrage La planète Mars publié en 1930, Antoniadi compare deux représentations de la région d’Elysium. Celle du haut est un dessin de Schiaparelli. Celle du bas son propre croquis synthétisant plusieurs observations. Les lignes rectilignes observées par Schiaparelli et ses confrères ne sont en fait, pour Antoniadi, que des alignements de taches plus ou moins régulières, donnant l’illusion de former des lignes :

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Pour l’essentiel, il semble surtout que les observateurs convaincus de l’existence d’une vie sur Mars voyaient tout simplement ce qu’ils avaient envie d’y voir. Ce n’étaient ni Schiaparelli ni Lowell qui plaçaient leur œil sur l’oculaire, mais la « fille aux cheveux de souris » de David Bowie.

Petits arrangements avec l’habitabilité

Il n’y a pas que chez les astronomes qu’une fillette sommeille. Puisqu’il est question de vie, les biologistes ont aussi leur mot à dire sur Mars, par exemple l’illustre Alfred Russel Wallace (oui, le codécouvreur du principe de la sélection naturelle). Celui-ci eut une vie fort longue qu’il mit à profit pour disserter sur toutes sortes de sujets, dont celui assez général de la pluralité des mondes habités (Man’s Place in the Universe, 1903) et celui plus particulier de l’habitabilité de Mars (Is Mars Habitable? 1907).

Is Mars Habitable? est considéré comme un texte scientifique pionner dans le champ de l’exobiologie, mais il y aurait sans doute à redire sur son objectivité. La biographie de Wallace écrite par Peter Raby, qui vient de sortir en français (Alfred R. Wallace, l’explorateur de l’évolution, Éditions de l’évolution) ne consacre qu’un paragraphe à cette œuvre oubliée de Wallace, présentée comme une « riposte cinglante » à la théorie des canaux martiens défendue par Lowell. Voici comment Wallace critique la démarche adoptée par Lowell :

« Il part du postulat que les lignes droites sont des œuvres d’art et, plus il en trouve, plus il voit dans leur abondance la preuve qu’il s’agit bien d’œuvres d’art. Ensuite, il s’emploie à tordre et déformer routes les autres observations afin qu’elles correspondent à son postulat. »

Ainsi que le note Raby, « Cette critique aurait très bien pu s’appliquer à sa propre défense du spiritisme ». Et sans doute à l’entièreté de l’ouvrage qui, sous couvert de recherches poussées pour parvenir à une analyse du climat et des conditions atmosphériques sur Mars d’allure scientifique, est avant tout la tentative d’un nonagénaire, anthropocentriste impénitent, pour démontrer coûte que coûte que la Terre est la seule planète de l’univers où la vie a pu se développer.

Wallace n’accepte pas l’idée que la vie ait surgi par accident, ni qu’elle puisse disparaître un jour par l’effet des mêmes causes évolutives (il est bon de se rappeler ceci à la lecture de textes cherchant un peu trop ostensiblement à mettre Wallace sur un strict pied d’égalité avec Darwin pour minimiser l’apport de celui-ci…).

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On pourrait croire que les critères d’habitabilité définis par les astronomes modernes qui traquent les exoplanètes échappent aux biais de notre propre conception du vivant, terrestre et extra-terrestre. Rien n’est moins sûr si l’on suit Ian Stewart qui, dans Les mathématiques du vivant (Flammarion, 2013), notamment, aborde la notion d’habitabilité sous l’angle des mathématiques pour nous faire comprendre les difficultés que pose sa définition.

La loi de Planck, explique-t-il, permet de déterminer la température d’une planète gravitant autour d’une étoile, donc de déterminer les frontières intérieures et extérieures de la zone habitable, c’est-à-dire là où il ne fait ni trop chaud ni trop froid, mais juste bien pour autoriser le développement de la vie à condition qu’elle mette une petite laine quand ça fraîchit le soir. Il existe deux versions de la formule de calcul, avec ou sans albédo (la fraction du rayonnement réfléchie par la planète). Avec un albédo à 0,3 (valeur terrestre), la zone habitable du Soleil s’étend de 69 millions à 130 millions de kilomètres. Mercure, située à 58 millions, est hors jeu : trop chaude. Mars, à 228 millions de kilomètres, l’est aussi : beaucoup trop froide. Mais la Terre, à 150 millions de kilomètres, l’est aussi ! Et seule Vénus, à 108 millions de kilomètres, serait habitable. Paradoxe : la seule planète habitable, celle qui est sous nos pieds, est en dehors de la zone habitable de son étoile… Amis Vénusiens, bonjour.

Le concept d’une zone habitable qui ne tiendrait pas compte des caractéristiques particulières des planètes, en particulier de leur atmosphère, est donc trop simpliste. Mais notre conception du vivant (intuitivement, quelque chose qui nous ressemble) doit aussi être revue. Les organismes extrémophiles terrestres, note Ian Stewart, vivent dans des conditions qui ne correspondent pas à celles de la zone habitable :

« dans une eau dont la température dépasse le point d’ébullition normal ou descend sous son point de fusion normal. Ni très au-delà ni très en deçà des conditions qui définissent la zone habitable, mais au-delà et en deçà tout de même. »

L’idée d’une vie sur Mars, fût-elle passée, ne donc être abordée qu’en connaissant parfaitement les caractéristiques de la planète. Et c’est bien pour ça qu’on y envoie crapahuter des rovers, en attendant que nous puissions nous y rendre nous-mêmes. Mais c’est là que ça se complique…

Y aura-t-il de la mort sur Mars ?

Selon Philippe Labrot, qui tient le site nirgal.net, « la découverte définitive d’une vie martienne ne pourra pas avoir lieu avant que des roches ne soient ramenées dans les laboratoires terrestres pour y être examinées. » La faute aux moyens et aux conditions d’analyse forcément limitées des robots, seuls sur la planète rouge. Pourquoi ne pas se rendre sur Mars et mener ces analyses sur place ? Simplement parce qu’il faudrait éviter à tout prix la contamination des écosystèmes martiens par les microorganismes terrestres que nous ne manquerions pas de trimballer avec nous, quelles que soient les précautions prises. On se trouve dès lors dans une belle impasse, que Labrot formule ainsi :

« La découverte de formes de vie sur la planète Mars aura alors une conséquence inattendue : celle d’empêcher tout débarquement humain. (…) Il est assez paradoxal de penser que si la réalité dépasse nos rêves, et qu’un écosystème existe encore aujourd’hui sur Mars, il nous faudra l’étudier par procuration, grâce à des robots commandés en temps réel depuis un avant-poste implanté sur Phobos, et non pas de nos propres mains. L’étude de Mars continuera donc d’être ce qu’elle a été depuis le début, un travail à distance, jusqu’à ce qu’un jour enfin les écosystèmes martiens soient entièrement caractérisés, et que le danger d’une éventuelle contamination croisée soit définitivement écarté. »

Si cette vision est juste, je la trouve réconfortante : laisser la vie sur Mars tranquille afin de ne pas y apporter la mort. Je me repose sur elle pour me persuader que la dernière trouvaille en date de la compagnie néerlandaise Mars One, sélectionner, sous la forme d’une télé-réalité, et envoyer des candidats dans un Loft martien en 2023, n’a aucune chance de voir le jour, tout au moins pour la partie spatiale du projet.

La page Wikipédia française consacrée à Mars One détaille les limites techniques, humaines et financières du projet, qui prétend parvenir à ses fins sur la base des techniques actuelles (capsule Dragon et lanceur Falcon Heavy de Space X, notamment) et pour la modique somme de 6 milliards de dollars. Les limites psychologiques me semblent les plus insurmontables : celles liées au voyage et à la vie sur Mars, bien sûr, mais aussi celles liées aux sept ans de sélection passés à faire de la télé-réalité. Je doute que quiconque survive à ça. Surtout avec Denis Brogniart aux manettes.

Si le projet marche malgré tout, ce n’est pas vraiment de la vie qu’on enverra sur Mars, mais des morts en sursis, puisque le voyage serait sans retour. Des milliards de téléspectateurs rivés devant leur écran à guetter la mort prochaine de leurs semblables, quel réjouissant programme. Qui nous ramène à la girl with the mousy hair de Life on Mars? :

And she’s hooked to the silver screen
But the film is a saddening bore
For she’s lived it ten times or more
She could spit in the eyes of fools
As they ask her to focus on

David Bowie avait tout compris. Comme d’habitude.

 

ceci n’est pas un drapeau flottant sur la Lune (hs#26 RAMMSTEIN, Amerika)

Comme le headbanging science précédent le laissait entendre, nous partons sur le Lune planter le drapeau américain en compagnie d’Apollo 11 et de Rammstein. Enfin… sur la Lune ou bien en studio ? Mise au point sur une rumeur qui a la vie dure, celle de la prétendue mise en scène par la Nasa des marches lunaires…

 


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Pornographie, homophobie, nazisme, incitation à la tuerie de Columbine, etc. Rammstein a réussi à s’attirer la polémique à chacun des albums ponctuant ses 20 ans de carrière, démontrant un sens du marketing aigu – ou une naïveté confondante. Les Teutons ont même réussi à se faire poursuivre en justice par le criminel anthropophage Armin Meiwes, ce qui n’est pas peu classe. Ne dérogeant pas à la règle, le morceau Amerika, de l’album Reise, Reise (2004), s’est lui aussi attiré les critiques. Voyons de quoi il retourne :

Nul besoin de maîtriser la langue de Till Lindemann pour comprendre que Amerika prétend dénoncer l’hégémonisme culturel américain, via la mise en scène de ses symboles les plus connus : Coca, hamburgers, Brando…. Pas de quoi fouetter un chat, mais suffisant pour taxer le groupe d’anti-américanisme primaire. Mais c’est l’utilisation qui est faite de l’imagerie d’Apollo 11 qui va nous intéresser ici, en particulier la rumeur voulant que la conquête de la Lune n’ait été qu’un vaste hoax orchestré par la Nasa (et peut-être des puissances plus occultes encore). Le clip montre le groupe jouant sur la Lune, arborant les sigles NASA et Apollo 11 sur leurs instruments et sur leurs combinaisons. On voit également deux membres du groupe s’affairer à monter un drapeau américain avant de poser devant pour la photo, en référence à cette image célèbre :

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Quant à la scène finale, on y découvre que le groupe joue sur une Lune reconstituée en studio. Le hoax prétend que la Nasa aurait fait de même (juste en cas d’échec, pour ne pas perdre la face, dans une version faible ; sans même chercher à essayer d’aller sur la Lune, dans une version forte).

Alors, le 21 juillet 1969, à 3 h 56 à Paris, Neil Armstrong a-t-il oui ou non allongé sa Ugg vintage, tâtant le sol avant de se décider à faire un « small step for (a) man but a giant leap for mankind » ? Évidemment oui. Il n’existe absolument aucune espèce de doute quant à la réalité de cet épisode clé de la conquête spatiale, tant les preuves abondent, qu’il s’agisse des 378 kg d’échantillon de sol lunaire ramenés par les missions Apollo, des réflecteurs laser placés sur la Lune, qui nous permettent aujourd’hui encore de mesurer avec une extrême précision la distance qui nous sépare de notre satellite, ou encore des témoignages de l’ensemble des acteurs de l’épopée lunaire. Ce qui n’empêche pas certaines de questionner chaque document d’époque de façon plus ou moins pertinente : Pourquoi ne voit-on pas d’étoiles dans le ciel ? Pourquoi voit-on plusieurs ombres ? Pourquoi le LM n’a-t-il pas creusé un cratère dans la poussière en alunissant ? Et pourquoi voit-on le drapeau flotter alors que, comme chacun le sait, il n’y a pas de vent sur la lune ?

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Buzz Aldrin et Neil Armstrong s’entraînent dans un décor lunaire de la NASA. De quoi alimenter la rumeurs selon laquelle la mission entière aurait été mise en scène

En écho à la thématique patriotique de Amerika, je m’attarderai ici simplement sur cette question du drapeau, avant d’aborder des considérations plus générales sur cette sorte bien particulière de scepticisme. Pour une déconstruction méthodique de l’ensemble de la théorie du complot lunaire, je vous renvoie à celle exécutée par Phil Plait dans son blog Bad Astronmy.

Pourquoi voit-on le drapeau « flotter » dans le vide lunaire ? Examinons cet argument. La Nasa a fourni plusieurs photos qui montrent bien que les plis du drapeau sont en réalité immobiles et ne « flottent » pas. Pour pouvoir être déployé dans le milieu lunaire, le drapeau était fixé à une potence horizontale que l’on distingue d’ailleurs parfaitement sur les photos. Armstrong et Aldrin, qui n’avaient pas répété ce travail (ce qui dément qu’ils aient accordé beaucoup d’importance à ce geste patriotique), l’enfoncèrent à la va-vite sans réussir à la déployer entièrement, si bien qu’il conserve cet aspect froissé pouvant laisser croire qu’il flotte. Ce gif animé montre que le drapeau est parfaitement fixe alors que l’astronaute, lui, a bougé :

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Mais le plus beau dans l’histoire n’est pas que le drapeau ne flottait pas, mais qu’il aurait en réalité parfaitement pu flotter ! Les conspirationnistes avançaient en fait un argument qui aurait confirmé ce qu’ils croyaient dénoncer, ainsi que l’ont démontré expérimentalement la chaîne Discovery et la Nasa : non seulement le drapeau aurait pu flotter dans le vide, mais il aurait bougé encore plus que dans notre atmosphère, en raison de l’impulsion donnée au tissu lorsque les astronautes enfoncèrent la hampe dans le sol. L’expérience en vidéo :

Enfin, avant de baisser pavillon, il convient de rappeler aux sceptiques que la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) a photographié les sites d’atterrissage des missions Apollo, faisant apparaître objets, équipements et traces d’activité. La Nasa a ainsi pu établir, grâce aux différences d’éclairage solaire entre les clichés, que les drapeaux des missions Apollo 12, 14, 15, 16 et 17 sont encore debout sur le sol lunaire ! Seul le drapeau d’Apollo 11 n’est plus en place, Buzz Aldrin ayant déclaré l’avoir vu s’envoler lors du départ du module Eagle. Histoire de couper court à une nouvelle rumeur, empressons-nous de préciser que les empreintes de pas laissées par Neil Armstrong et Buzz Aldrin, elles, sont bien visibles sur les clichés de LRO

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L’hypothèse d’un canular orchestré par la Nasa ne date pas d’internet et de la vague complotiste post 11 septembre 2011, comme on pourrait le penser. À l’époque des faits, on prétendait déjà que les marches lunaires avaient été filmées par la Nasa, quelque part dans le désert du Nevada ou de l’Arizona, selon les versions. À vrai dire, même le vol circumlunaire d’Apollo 8 en décembre 1968 avait donné lieu à des rumeurs de hoax. Le poids de ces rumeurs ne saurait être estimé, mais plusieurs articles de journaux en firent écho. Il faut souligner que, sur le fond, ce scepticisme émanait de personnes ordinaires ayant simplement du mal à croire ce que la télévision et la radio leur rapportaient d’un monde en plein bouleversement, duquel elles se sentaient rejetées. Tout cela relevait plus de la conversation de comptoir spontanée et était à la fois dénué d’arrière-plan idéologique et d’orchestration politique. Seuls les membres de la Flat earth Society, par exemple, avaient des raisons précises de douter de la véracité des expéditions lunaires puisqu’on leur donnait à voir une Terre ronde. Roger Launius, conservateur au National Air and Space Museum de Washington relate dans un document consacré au sujet que son grand-père paternel, un fermier de 75 ans, démocrate depuis toujours par reconnaissance pour le New Deal de Roosevelt, ne croyait pas à l’alunissage d’Apollo 11 par simple manque de connaissance et par naïveté, de la même façon qu’il continuait à labourer ses champs avec des chevaux parce qu’il jugeait que les tracteurs étaient une mode éphémère ! Nulle trace de théorie conspirationniste à cette époque, donc, mais un témoignage d’une réalité sociale où tous ne vivaient pas exactement dans le même monde. En 1970, une enquête réalisée par un groupe de presse révéla que le taux d’incrédule pouvait grimper à 54% parmi les populations afro-américaines de Washington DC ! ce qui en disait plus long sur les tensions de la société américaine que sur les mécanismes du scepticisme proprement dits.

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De façon étrange, les images d’Apollo 11 ne suffirent pas à lever les doutes. Leur étrangeté avait même de quoi les susciter. Norman Mailer, qui couvrit la mission pour le compte de Life magazine rapporta, après avoir vu l’homme marcher sur la Lune, que l’évènement était si éloigné et paraissait si irréel qu’il était difficile pour l’Amérique en train de se congratuler d’en comprendre pleinement le sens, un peu comme un jeune marié que l’on félicite en disant : « Te voilà un homme marié, maintenant », ne peut véritablement se représenter la signification de ce changement. Mailer souligna également qu’il aurait fallu une combinaison de moyens pour monter un tel canular si colossale et si improbable que cela constituait la meilleure preuve que la marche sur la Lune n’avait pas été mise en scène en studio. Ce que confirma Neil Armstrong dans une communication personnelle en 2003 : « il aurait été plus dur de la simuler que de le faire vraiment. »

Il en irait bien sûr tout à fait autrement de nos jours. Dans les années 1970, une véritable théorie de la conspiration a commencé à voir le jour, avec la publication d’un pamphlet de Bill Kaysing, ancien employé d’un motoriste sous-traitant de la Nasa : We Never Went to the Moon : America’s Thirty Billion Dollar Swindle (1974), qui développait l’ensemble des arguments repris depuis – à commencer par notre fameux drapeau flottant dans le vide. Diverses oeuvres ont depuis enfoncé le clou, chacune à leur façon, comme le film Capricorn One (1978), qui transpose le thème de la reconstitution en studio sur Mars, ou le vrai-faux documentaire de William Karel (Opération Lune, 2002), qui manipule si bien les images qu’on ne sait plus très bien s’il démonte ou amplifie le hoax. En 1999, un sondage Gallup révélait que seuls 6% des Américains pensaient que leur gouvernement avait mis en scène ou truqué l’alunissage d’Apollo 11. La proportion n’avait pas varié depuis 1995 et un responsable de Gallup crut bon de préciser que ces 6% étaient en quelque sorte incompressibles, une partie des personnes interrogées répondant oui à toutes les questions, quoi qu’il arrive (surprenant aveu de la part d’un institut, car les bases sont censées être cleanées de ces monorépondants). Ce faible niveau a de quoi surprendre, lorsque l’on sait par exemple que 13% des Américains seulement pensent que l’apparition de l’homme résulte d’un processus évolutif étalé sur des millions d’années sans aucune intervention d’un quelconque Dieu (Sondage Gallup de 2004). Globalement, malgré l’étrangeté soulignée par Mailer, le fait que l’homme ait marché sur la Lune pouvait être largement admis dans la mesure où il n’entrait en conflit avec aucune conviction philosophique, religieuse ou politique (à l’exception des partisans de la Terre plate, mentionnés plus haut). Il ne prêtait pas non plus le flanc à la controverse scientifique, faute d’hypothèse adverse (la plupart des arguments du hoax n’ont pas de caractère scientifique).

Capricorn One

Les choses pourraient toutefois évoluer. En 2004 un sondage révélait que les Américains de 18 à 24 ans, qui n’avaient donc pas vécu l’épopée Apollo, étaient 27% à exprimer des doutes sur le fait que la Nasa ait pu envoyer des hommes sur la Lune. En 2009, un sondage anglais cette fois annonçait que 25% des Britanniques refusaient de croire que l’homme avait marché sur la Lune. À l’éloignement historique pourrait donc se conjuguer un éloignement « géographique ». De plus, le caractère improbable d’une conspiration à grande échelle avec les moyens de l’époque s’estompe. Ainsi que le démontre le blogueur Ethan Siegel de Starts with a bang, recréer de façon réaliste une scène du programme Apollo est aujourd’hui à la portée de tous. Prenant d’ailleurs appui sur le clip de Rammstein, il livre quelques conseils pratiques aux apprentis hoaxers sur le lieu de tournage, avec diverses suggestions, comme le site de Craters of the Moon, dans le parc naturel de l’Idaho, les costumes, ou les techniques vidéo et audio pour simuler l’effet de la faible gravité lunaire : une caméra haute vitesse à 180 images par secondes donnera l’impression du ralenti lunaire une fois le film passé à vitesse normale ; le chant du clip doit lui être enregistré à vitesse normale puis accélérée pour être synchronisée avec le film à haute vitesse. Si vous revisionnez le clip de Rammstein, vous vous apercevrez que ça marche plutôt pas mal.

Doit-on s’attendre à une augmentation de l’incrédulité, en dépit de la surabondance de faits ? C’est mal barré dans certains pays, puisqu’en Iran, il y a quelques mois, des milliers de personnes ont été victimes d’un canular orchestré par un possible fan de Rammstein : croyant que Pepsi allait projeter son logo sur la face de la Lune, elles se sont massées sur les toits pour assister à cette démonstration de puissance marketing de l’Oncle Sam.

Comme l’a dit, Harrison Schmitt (Apollo 17), seul scientifique ayant foulé le sol lunaire : « Si les gens ont décidé de nier les faits historiques, scientifiques ou technologiques, il n’y a pas grand-chose à faire pour eux. Pour la plupart, je regrette simplement que nous ayons raté leur éducation. » Allez, Rammstein dès la maternelle !

Epiphanie et astronomie (hs hs, Sheila – Les rois mages)

Désolé de réveiller des souvenirs auditifs pénibles, mais c’était le moment où jamais d’un petitheadbanging science hors-série’ (hs hs) consacré à l’Epiphanie.

On ne présente pas l’artiste :

 

Comme les Rois mages
En Galilée suivaient des yeux l’étoile du berger
Je te suivrai, où tu iras j’irai
fidèle comme une ombre, jusqu’à destination

Rectifions très brièvement les choses. Premièrement, les Rois mages (qui n’étaient pas des Rois) n’avaient rien à foutre en Galilée. Selon l’Evangile de Matthieu, qui consacre deux paragraphes à l’épisode (c’est le seul à le faire), les Rois mages venus d’Orient, sont arrivés à Jérusalem puis repartis pour Bethléem. Le trajet Jérusalem – Bethléem se déroule en Judée. La Galilée est bien plus au nord, à au moins 100 km à vue de nez :

Deuxièmement, nos excursionnistes ne suivaient certainement pas l’étoile du Berger, puisque celle-ci n’est autre que la planète Vénus. Vénus ne pouvait qu’être familière aux Rois mages, prétendument calés en astronomie (suffisamment au moins pour prétendre se guider aux étoiles). L’astre qu’ils suivirent était un phénomène céleste suffisamment rare et remarquable pour être interprété comme un signe. Pour paraphraser l’astronome Patrick Moore, si les Rois mages avaient suivi Vénus sans la reconnaître, ils auraient fait de fameux mages !

Et si tel avait été le cas. Voici quelle aurait été leur route, selon le grandiose xkcd, qui a consacré un hilarant billet au sujet, calculant divers trajets les plus loufoques les uns que les autres, en se basant sur les positions présumées des objets céleste à l’époque :

Je me contenterai de vous conseiller de lire le reste de l’œuvre, tout en remerciant le Dr Goulu qui a spotté la merveille.

Pour ceux qui aimeraient savoir quelle étoile ont bien pu suivre les Rois mages, sachez que les hypothèses de la comète de Halley, d’une étoile filante ou encore d’une supernova ne tiennent pas la route. D’autres hypothèses, telles qu’une conjonction Jupiter – Saturne paraissent plus solides. Mais la leçon à retenir est plutôt celle-ci : pour manger votre galette à temps, ne la commandez pas à des types qui naviguent au pif en plein désert.

 

tsunami solaire: les carottes n’étaient pas cuites (fin du monde 2)

Suite des billets consacrés à la fin du monde ; après avoir réglé nos boussoles dans la première partie consacré à l’inversion des pôles magnétiques, place au Soleil : une colère extrême de notre étoile pourrait-elle provoquer un orage magnétique dévastateur pour notre civilisation hyper connectée ?

Les sautes d’humeur du Soleil sont bien connues. Elles consistent en un éjectat de particules à haute énergie qui accompagnent (mais pas systématiquement), les éruptions qui rythment son cycle. Ces nuages de gaz très chaud sont appelés éjections de masse coronale (EMC). En voici une :


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Lorsqu’elles atteignent la Terre (à plusieurs centaines de km/s), elles sont susceptibles de provoquer quelques dégâts, en raison de leur puissant champ magnétique : si ce dernier est opposé au champ magnétique terrestre à l’endroit du point de contact, des phénomènes électriques se développent, qui vont par une longue chaîne créer, outre de très belles aurores, des courant électriques dans l’ionosphère (très haute atmosphère). Ces courants vont à leur tour induire des courants électriques de surface qui produisent de l’érosion et des dommages dans toutes les grandes structures métalliques allongées est/ouest (oléoducs, gazoducs) ainsi que, plus rarement, des surtensions dans des lignes à haute tension et de possibles pannes électriques.

les dégâts des courants magnétiques induits

 

Doit-on alors redouter un « big one » solaire ? Une EMC extraordinaire susceptible de provoquer sur Terre un orage géomagnétique géant qui provoquerait un black-out généralisé ? Si l’on se pose la question, c’est que l’on dispose de quelques précédents :

  • 2003 : Coupure d’une heure en Suède ; transformateurs endommagés en Afrique du Sud.
  • 1989 : 6 millions de personnes privées de courant au Québec pendant neuf heures ; facture: 2 milliards de dollars.
  • 1859 : le 28 août et le 1er septembre, deux orages magnétiques intenses frappèrent les contemporains par leurs effets spectaculaires : aurores tropicales (!) permettant de lire la nuit ; incendies et décharges électriques touchant les télégraphistes.

René, t'as pas éteint la lumière !

 

Cet « évènement de Carrington », du nom de l’astronome qui le premier rapporta l’éruption du 1er septembre, est resté dans les annales. On en a reparlé il y a peu, par exemple dans ce billet de Pierre Barthélémy en date du 18 avril 2012 (notez bien la date ; et pas parce que c’est celle de mon anniversaire). Si Pierre Barthélémy évoquait alors le sujet, c’est que le jour même paraissait dans Nature le papier alarmiste d’un spécialiste britannique du Soleil, Mike Hapgood. Le chercheur y exhortait nos sociétés à se préparer dès à présent aux conséquences catastrophiques qu’un orage géomagnétique géant, similaire à celui de 1859, pourrait avoir sur des économies modernes, devenues si dépendantes des réseaux électriques. L’alerte fut abondamment relayée.

 

l'impact d'un orage magnétique sur les réseaux fait l'objet de nombreuses projections

 

 

Mais ce fameux événement de 1859, sur lequel toutes les craintes reposaient, avait-il été aussi extraordinaire qu’on le pensait ?

L’événement de Carrington était jusque-là considéré comme exceptionnel à cause de l’analyse de la composition isotopique du nitrate d’une carotte de glace du Groenland, signature présumée d’un événement cosmique de forte ampleur qui aurait frappé la terre en 1859.

Mais cette carotte, argument n°1 du scénario catastrophe du tsunami solaire, allait fondre… comme neige au soleil dès le 28 avril 2012. Une étude publiée dans Geophysical Resarch Letters, The Carrington event not observed in most ice core nitrate records, indiquait sobrement :

  1. Que la plupart des carottes de glace analysées ne présentent pas de “pic” de nitrate pour l’année 1859 (soit 13 sur 14 !)
  2. Que les pics de nitrates présents dans les carottes du Groenland s’expliquent normalement à partir de la combustion de la biomasse, et n’ont donc aucune cause spatiale
  3. Qu’aucune statistique sur les particules énergétiques du Soleil ne peut être établie à partir de cette présence du nitrate dans la glace terrestre.

Il s’avérait donc que la puissance de l’orage de 1859 avait largement été surestimée et que cette surestimation ne reposait que sur l’analyse chimique d’une seule carotte glaciaire. Que personne n’en ait fait mention alors peut encore se comprendre. Malheureusement, l’événement de 1859 refait surface dans l’actualité apocalyptique sans que ce petit correctif soit mentionné par quiconque…

 

dommage, ça aurait pu être joli...

 

 

Pour conclure de façon plus générale sur l’aspect irréaliste de ce scénario du Soleil en surchauffe, relevons que nous effectuons un suivi observationnel des éruptions solaires depuis environ 150 ans, et un suivid des taches solaires depuis 400 ans (300 régulièrement). La théorie établit un lien entre l’énergie des éruptions et la taille des taches et on dispose de modèles qui permettent de prédire l’énergie des éruptions en fonction de la taille des taches. Ce que ces modèles permettent de voir, c’est que pour qu’une éruption gigantesque ait vraiment un impact sociétal (ie : que votre grille-pain soit inutilisable pendant un bout de temps), il faudrait que les taches à la surface du Soleil soient tellement grosses qu’on verrait à l’œil nu notre étoile avec deux gros yeux noirs. Gageons que, depuis le temps que l’homme regarde le Soleil, on aurait déjà eu des témoignages historiques d’un tel phénomène ! La conclusion qui s’impose pour les spécialistes est donc que le soleil ne sait pas produire les conditions d’une éruption gigantesque, même s’il en a largement l’énergie.

Vous pouvez donc dormir sur vos deux oreilles. À moins que vous soyez sur une liste de candidats pour l’espace, car là, l’environnement solaire demeure un épineux problème à résoudre…

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magnéto, Serge ! (fin du monde 1)

Dans la série debunking de scénarios de fin du monde, que l’on trouve à toutes les sauces actuellement, j’aimerais revenir sur celui de l’inversion du champ magnétique, car il présente quelques spécificités intéressantes.


Quelle est la trame apocalyptique de ce scénario ?

Une inversion du champ magnétique supprimerait la protection de la ceinture magnétique (la ceinture de Van Allen), laissant le champ libre à toutes les particules et radiations cosmiques pour bombarder la Terre, provoquant mutations génétiques et extinction d’espèces. Ouille.


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Que doit-on en penser ?

Ce scénario catastrophe existe bel et bien… dans l’univers des comics Marvel, dans lequel le vilain Magnéto fait peser sur la planète la menace d’une inversion subite des pôles magnétiques. Dans celui plus prosaïque de la physique du globe et du géomagnétisme, c’est le train-train de la planète, autant dire que cela ne fait trembler personne. Et pour cause, le champ terrestre s’est inversé environ 300 fois ces derniers 200 millions d’années, dont la dernière il y a 780 000 ans.

 

Comment ça marche ?

Le champ magnétique terrestre provient du cœur de la planète. Le mélange métallique à l’état liquide du noyau est animé de mouvements de convection qui engendrent des courants électriques, donnant eux-mêmes naissance à des champs magnétiques. Ceux-ci viennent à leur tour renforcer les courants électriques, créant ainsi un effet dynamo auto-entretenu. Mais cet effet est instable : des perturbations du noyau provoquent des affolements du champ magnétique de courte période (de 1000 à 10 000 ans) pendant lesquelles les pôles magnétiques se déplacent rapidement à la surface du globe. À l’issue de cette transition, soit les deux pôles permutent (on parle alors d’inversion) soit ils reviennent simplement à leur position initiale (il s’agit dans ce cas d’une excursion).

Est-ce que ce n’est pas en train de se profiler ?

Eh bien, non, la terre ne perd pas la boussole. Bien que la fréquence des inversions ait varié considérablement au fil du temps et ne révèle aucune périodicité (donc aucune prédictibilité), les géophysiciens estiment que nous sommes dans une configuration des plus défavorables pour que cela se produise et seraient prêts à miser une pièce pour parier sur une diminution, suivie d’une stabilisation et d’un retour à la hausse ! Tout simplement parce que nous partons d’une situation où l’intensité est élevée, le champ est même plutôt plus intense que par le passé et, statistiquement, on n’a jamais vu d’inversion se produire aussi vite derrière une situation comme celle-ci. La baisse d’intensité (réelle et mesurée à -0,05 % par an depuis 150 ans, mais initiée depuis 3000 ans) ne prélude donc pas une inversion prochaine des pôles.

 

Quelles seraient les conséquences pour l’homme ?

Rassurons les foules, il n’y a aucune preuve géologique corrélant les inversions et les extinctions d’espèces. Les météorites, oui, les inversions magnétiques, non.

En 2010, deux scientifiques français, remarquant que la disparition des Néandertaliens « coïncidait » avec l’excursion dite de Laschamp, datée entre 41 et 34 000 ans, ont avancé l’idée qu’ils aient eu à faire face à un accroissement de la production d’UV-B pendant une longue période. Avec leur peau claire et une pilosité analogue à la nôtre, ils auraient été vulnérables aux effets délétères de ces expositions et cette excursion aurait donc un lien causal avec leur extinction.

oh, et si je mettais mon bob ?

Ces résultats tenaient plutôt de la spéculation hasardeuse et eurent du mal à convaincre.

Sur le plan historique d’abord, rappelons que l’Homme de Néandertal n’a complètement disparu que 10.000 ans plus tard, son dernier bastion attesté étant la grotte de Gorham à Gibraltar, où sa présence est datée de 24 000 ans. Inversement, les premiers Hommes modernes (Homo sapiens) seraient arrivés en Europe plus tôt qu’on ne le pensait, il y a environ 45 000 ans, d’après de nouvelles analyses de deux dents de lait découvertes il y a une cinquantaine d’années dans une grotte préhistorique italienne, et qui avaient été attribuées à tort à des Néanderthaliens. Alors quoi, sapiens aurait eu l’intelligence de mettre un chapeau de paille et un paréo pour se protéger et pas Néandertal ?

Sur le plan logique, l’hypothèse tient encore moins la route. Si une inversion avait des effets qui puissent être enregistrés dans les archives fossiles, pourquoi n’en aurions-nous pas enregistré pour toutes les générations précédentes de Néandertal, et toutes les autres espèces du genre Homo, par la même occasion, qui ont traversé les excursions précédentes ?

l'Anomalie magnétique de l'Atlantique sud

Enfin, il n’est pas inutile de rappeler quelques données physiques. Certes, la magnétosphère joue un rôle essentiel de bouclier de protection en déviant les particules de haute énergie du vent solaire et des rayons cosmiques, protégeant ainsi la biosphère de leur impact. Mais ce fameux bouclier ne disparaît pas complètement, même en cas d’inversion, ainsi que le révèle les mesures de la paléointensité des 800 000 dernières années. Par ailleurs, l’atmosphère reste notre première protection : ce qui arrive au sol de particules est extrêmement atténué. Évidemment, si on augmente la proportion de ce qui arrive en altitude, on augmente la proportion de ce qui arrive au sol, mais pas au point de recevoir des dizaines de fois plus de radiations.

La situation se complique un peu quand le champ s’approche d’une inversion, car il diminue, devient multipolaire et présente des zones de faiblesses. Notons que ces zones de faiblesses existent en temps normal. Ainsi, l’anomalie magnétique de l’Atlantique sud (AMAS) est la région où la partie interne de la ceinture de Van Allen est la plus proche de la surface de la Terre. Mais aucun guide touristique ne vous déconseille d’aller en Amérique du Sud parce que vous pourriez y attraper un cancer à cause du champ magnétique. Ce serait un peu plus sérieux, mais pas dramatique au moment d’une inversion.

excusez-moi mesdames, auriez-vous vu mon nid ?

Quelles seraient les conséquences pour les animaux ?

Si la Terre perd le Nord, comment font, les animaux qui utilisent le champ magnétique pour se diriger ? Précisons tout d’abord que la logique qui amène ce type de question m’échappe : si les animaux n’étaient pas capables de s’adapter à ce type de modification de leur environnement, inutile de dire qu’aucun naturaliste n’aurait le loisir de les observer… ils n’existeraient plus, tout simplement. S’ils sont là, c’est qu’aucun n’a un besoin absolument vital du champ magnétique, bref, qu’ils ne sont pas à l’ouest parce que le nord est passé au sud. Par ailleurs, l’échelle de temps du géomagnétisme et de la cigogne diffère sensiblement : la cigogne obtient des informations un peu différentes des précédentes à chaque génération, mais aucune cigogne, durant sa courte vie, n’est prise au dépourvu par une information qui serait très différente d’un jour à l’autre. Vous-même, si votre boussole était déréglée, n’auriez guère de problème à vous repérer : peu importe la direction indiquée par l’aiguille de l’instrument si vous avez pris l’habitude de noter dans quelle direction il faut vous diriger par rapport à elle.

en cas d'inversion, ça se complique un peu, quand même...

Et l’impact technologique ?

Si l’on doit craindre quelque chose d’une modification du champ magnétique, c’est effectivement sur le plan de la technologie. Fort heureusement, les concepteurs de satellites et autres engins spatiaux n’ont pas attendu les prédictions sur la fin du monde pour savoir que leurs joujoux traversent un milieu spatial hostile. Ainsi, la Station spatiale internationale est dotée d’un revêtement particulier pour supporter ces radiations, le télescope spatial Hubble éteint ses instruments lorsqu’il passe au-dessus de l’AMAS et les orbites de la navette étaient calculées pour l’éviter. Quant aux satellites, ils subissent quelques avaries et perturbations de leurs instruments et en subiraient beaucoup plus si le champ venait à être considérablement réduit. Mais il ne faut pas perdre de vue, comme pour les cigognes, qu’une inversion elle-même prend plusieurs milliers d’années alors qu’un satellite vit 20 ans (soit moins qu’une cigogne !). La seule question qui se pose est donc d’est d’être capable d’anticiper ces phénomènes et de développer des matériels qui protègent mieux des radiations.

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Que faut-il retenir de tout cela ?

Que la vie sur Terre, de manière générale, n’a rien à redouter d’une inversion des pôles, et que l’homme en tant qu’animal, n’a rien à redouter lui-même. Mais que la civilisation humaine a à craindre des effets indésirables et aura besoin de s’ajuster. Une inversion extraordinairement rapide durerait 2000 ans. Amplement le temps de voir venir.

 

le 3e homme sur la Lune (hs#20 MASTERS OF REALITY, Third Man On The Moon)

Pour les vacances, le headbanging science avait des envies de Lune.  Si la plupart des gens savent instantanément qui est le premier astronaute à avoir foulé le sol lunaire, je gage qu’un temps de réflexion supplémentaire leur est nécessaire pour citer le deuxième. Quant au troisième… qui a retenu son nom ?

 


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Pour savoir qui fut le troisième homme sur la Lune, allumons les boosters avec le sublime Third Man On The Moon de Masters of Reality, le groupe injustement méconnu de Chris Goss auquel le stoner et Josh Homme doivent d’exister. Petit shoot astral avec cet extrait live au line-up très Kyuss/QOTSA puisque Josh Homme et Nick Oliveri encadrent Chris Goss (qui visiblement avait froid) :

 

Alors, qui fut le troisième marcheur lunaire ? Vous n’avez pas entendu la réponse ? Normal, la chanson ne la livre pas. Mais le bLoug, bon prince, va le faire : il s’agit de Charles “Pete” Conrad, Jr., commandant de la mission Apollo 12, le 19 novembre 1969. Qui eut ses mots historiques à sa sortie du module lunaire : « Youpi ! Les mecs, c’était peut-être un petit pas pour Neil [Armstrong], mais c’en est un grand pour moi. »

Moins célèbre qu’Apollo 11 malgré cette phrase mémorable, Apollo 12 reste néanmoins dans les annales pour pas mal de raisons curieuses. Que voici en trois temps, façon Sea, Sex & Sun lunaire.


1. Sea

Pourquoi la mer ? Pas parce que le module lunaire, surnommé Intrépide, s’est posé dans l’océan des Tempêtes, mais en raison d’un insigne de mission pour le moins original pour une mission spatiale :

Le navire, un clipper, fut choisi pour sa symbolique de l’exploration – navale, puis spatiale ; le module de commande étant par ailleurs surnommé Yankee Clipper. Mais aussi parce que les trois astronautes de la mission appartenaient à la Navy. La quatrième étoile présente dans le ciel aurait été choisie en mémoire de Clifton Williams, pressenti pour être le pilote du LEM, mais qui se crasha en T-38 en 1967 sans avoir jamais été dans l’espace.

 

2. Sex

(Aaaah…) Bon, pas de révélation fracassante sur les mœurs de l’équipage (Oooooh…), mais une anecdote qui montre qu’on savait s’envoyer en l’air à la Nasa.

L’équipage de remplacement (qui appartenait à l’Air Force) avait glissé des photocopies taille réduite de playmates dans les carnets de contrôle attachés au poignet des combinaisons de Conrad et Alan L. Bean (pilote du module), assortis de commentaires spirituels, tels que : « Avez-vous vu des collines et des vallées intéressantes ? ». Celui de Conrad comportait également deux pages de terminologie technique destinée à bluffer les contrôleurs à terre en leur faisant croire qu’il s’y connaissait en géologie.

Le carnet de Conrad a été photocopié et mis en ligne sur le site du Apollo Lunar Surface Journal (je mets une petite pièce sur le fait que vous allez cliquer pour voir les pin-ups ; n’oubliez pas de revenir).

Resté en orbite, Richard F. Gordon, Jr. ne fut pas sevré de Playboy : un calendrier avait été laissé à sa disposition dans un casier… On ne sait pas ce qu’il en fit.

 

3. Sun

Conrad et Bean eurent droit à des playmates en noir & blanc, Gordon en couleur, ce qui nous amène au troisième thème…

Le site d’alunissage d’Apollo 12 avait été choisi méticuleusement. Il s’agissait de se poser au plus près de la sonde américaine Surveyor 3, qui avait aluni en avril 1967, transmettant des milliers d’images de notre satellite.  Conrad et Bean ramenèrent sur Terre plusieurs composants de la sonde afin d’étudier les effets d’un séjour de deux ans et demi sur le sol lunaire.

Les deux astronautes prirent des clichés. Tous en noir et blanc, au grand dam du responsable du service photographie de la NASA. Pourtant, une photo couleur fut bel et bien publiée par Paris Match : on y voyait une sonde Surveyor 3 d’un orange martien du plus bel effet :

Bien entendu, le cliché avait été colorisé par le magazine, pour faire un peu plus spectaculaire – tricherie qui aujourd’hui encore alimente les débats d’arrière-cuisine de ceux qui aiment à croire que la vérité est ailleurs…

Mais pourquoi ce orange pétard ? Cette planche de Hergé, réalisée pour le magazine (n°1073, novembre 1969 ; intégralité sur le site de Match nous permet de comprendre pourquoi : on y voit les astronautes décrire la sonde comme « cuite » par le Soleil ! Un bon coup de orange criard s’imposait donc pour assurer le « choc des photos ».

J’en connais qui, eux, avaient effectivement dû cuire un peu trop au soleil. Ce sont les techniciens chargés d’analyser la caméra de Surveyor 3 ramenée sur Terre par Apollo 12. On a longtemps cru qu’une colonie de bactéries, nichée dans cette caméra, avait été amenée par mégarde sur la Lune en 1967, puis qu’elle y avait survécu inexplicablement pendant près de trois ans. Ce qui amena la NASA à adopter des procédures beaucoup plus strictes pour éviter de futures contaminations. Mais en 2011, la Nasa eut l’idée de regarder le film d’époque en 16 mm de cette analyse. On y voit des techniciens peu précautionneux s’affairer sur la caméra en bras de chemise et avec le visage en partie découvert. La conclusion logique s’imposait : les bactéries n’avaient jamais été sur la Lune en 1967, mais provenaient d’une contamination lors de l’analyse de la caméra à son retour sur Terre en 1969 !

Il existe d’autres anecdotes sur cette mission Apollo 12 pas comme les autres, dont on dit qu’elle fut celle qui se déroula le mieux sur le plan humain, les trois astronautes s’entendant comme larrons en foire. Conrad lui-même était considéré comme un boute-en-train et ne faillit pas à sa réputation en trouvant la mort en 1999 dans un banal accident de moto.

Pas très sérieux, pour quelqu’un qui avait réussi à mettre la Lune dans sa poche, pour reprendre un autre titre de Masters of Reality (The Moon in Your Pocket ).

l’astrocladistique, ou l’astrophysique en blouse de biologiste

Didier Fraix-Burnet est un astrophysicien pas tout à fait comme les autres. Au sein de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, il s’intéresse aux galaxies… mais sous l’angle de la biologie ! Plus précisément, de la cladistique, cette méthode classificatoire utilisée par la biologie évolutionniste moderne. Son but : mieux comprendre la diversité des galaxies en examinant comment elles sont arrivées à leur état physique et chimique actuel. Car la forme seule d’une galaxie ne renseigne pas sur son histoire…


(Ce billet reprend mon article pour Ciel et EspaceLes galaxies évoluent, l’astrophysique aussi”, N° 498, Novembre 2011, pp 52-55)

J’y ajouterai trois choses :

  • un remerciement: à JP Colin, blogueur ami et artisan classificateur qui s’est essayé à dresser la phylogénie des créatures d’heroic fantasy, me fournissant par la même occasion l’idée de l’article
  • une réjouissance :  il y a des livres dont on dit qu’ils sont maudits… peut-être en existe-t-il des bénéfiques aussi ? tel Classification phylogénétique du vivant de Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, qui, outre l’exemple qui va suivre, a inspiré à Denis van Waerebeke l’idée du documentaire Espèces d’espèces, et se trouve peut-être à l’origine de bien d’autres vocations…
  • une remarque prudentielle : à l’époque de la rédaction de cet article, ledit Hervé Le Guyader a aimablement accepté de consacrer partie de son week end à la lecture d’un papier d’astrocladistique… pour, hélas, s’abstenir de tout commentaire,  faute de connaissance en astrophysique et, semble-t-il, parce qu’il tiquait sur l’usage du terme “évolution” en dehors du spectre du vivant… Sa réticence souligne un problème de fond : la cladistique, ça peut marcher avec n’importe quoi (n’est-ce pas JP Colin ?) ; le plus dur est d’en inférer une histoire évolutive qui fasse sens.

[Pour un rappel de ce que sont la cladistique et la classification phylogénétique: suivez les explications de l'aliocha...]

[le blog de Didier Fraix-Burnet, consacré à l'astrocladistique]

 

“Les galaxies évoluent, l’astrophysique aussi”

Le parcours de Didier Fraix-Burnet est une belle histoire, de celles qui montrent que la recherche avance aussi de façon non linéaire, par de petits pas de côté imprévus. Elle remonte à 2001. Le chercheur travaille depuis plus de dix ans sur des phénomènes de hautes énergies, les jets extragalactiques. Un article du journal Le Monde va changer la donne. En ce 16 mai 2001 (Didier Fraix-Burnet se souvient encore de la date !), le quotidien publie un entretien avec les systématiciens Hervé Le Guyader et Guillaume Lecointre, “L’art de la classification du vivant est devenu une science”, dans lequel ils expliquent l’apport de la cladistique (du grec ancien klados signifiant « branche ») à la théorie de l’évolution.

A première vue, nous sommes loin des objets de prédilection de l’astrophysique. Mais pas aux yeux de Didier Fraix-Burnet, frustré qu’aucun modèle n’arrive à rendre compte du caractère changeant voire relativement éphémère de certains phénomènes, comme les noyaux actifs des galaxies. Le chercheur a un véritable « flash » : la méthode classificatoire de la biologie évolutionniste est l’outil qui manque à sa discipline. Deux mois après cette lecture, il commence à travailler sur le sujet. Se renseigne sur la méthode statistique pour savoir si elle est transposable. La cladistique est utilisée en archéologie, en linguistique, en anthropologie, en éthologie, ou bien encore pour étudier l’histoire des textes (stemmatique)… Bref, partout où il s’agit de reconstruire une histoire évolutive. Didier Fraix-Burnet est très vite convaincu qu’il n’y a pas de réel problème pour l’adapter aux objets célestes.

Tout au moins en théorie. En pratique, il a fallu un « très gros effort » au chercheur pour se familiariser avec des méthodes qui sont « compliquées pour les statisticiens eux-mêmes ». Si la cladistique est aride, ses principes de base sont relativement simples. C’est au zoologiste et entomologiste allemand Willi Hennig (1913-1976) que l’on doit ses règles logiques. Elle cherche à dégager une parenté entre les espèces, vivantes ou fossiles, fondée sur le partage de caractères uniques. L’histoire évolutive qui en découle peut être visualisée sur un arbre phylogénétique (ou cladogramme). L’arbre retenu est le plus « parcimonieux », c’est-à-dire celui qui nécessite le moins de modifications des caractères pour fonctionner. Selon l’expression du systématicien Guillaume Lecointre, la cladistique dit « qui est plus proche parent de qui » et non plus « qui descend de qui ». C’est un changement majeur par rapport aux méthodes de classification antérieures qui reposaient sur des schémas de descendance plus ou moins subjectifs.

 

le diapason de Hubble est longtemps resté la seule manière de classer les galaxies. Ce diagramme qui trace une évolution temporelle par analogie de formes est aujourd'hui dépassé. Mais par quoi le remplacer ?

 

Ordonner une avalanche de données nouvelles

Mais quel besoin a-t-on de classifier ainsi les galaxies ? De connaître leur histoire ? Ne peut-on se contenter des méthodes de classification traditionnelles ? Celles-ci, encore largement utilisées par les astronomes, se basent fondamentalement sur l’apparence. Elles ne prennent en compte que quelques unes de leurs caractéristiques : leur morphologie (le fameux diapason de Hubble), leur couleur, leur luminosité infrarouge, leur activité nucléaire… Difficile, donc, pour ces simples « catalogues d’objets » de rendre compte de la diversité (les galaxies « irrégulières », par exemple, démontrent la limite d’un tel classement : elles ne rentrent pas dans les « cases » !). De plus, le développement récent de l’observation infrarouge a réservé quelques surprises par rapport aux classifications établies sur la base du rayonnement visible : par exemple, la galaxie du Sculpteur (NGC 253), qui ressemble à une spirale serrée en lumière blanche présente soudainement en infrarouge une barre centrale… On ne voit pas forcément la même forme selon le mode d’observation !

Pour parfaire leur classification, les chercheurs utilisent aussi des analyses statistiques, dites multi-variées, qui permettent d’établir des groupes homogènes à partir d’un grand nombre de caractéristiques. Le problème est alors de savoir comment interpréter ces similitudes statistiques globales…

Reste la cladistique. Elle va tenter de décrire une galaxie, de façon complète, en examinant l’évolution de ses constituants physiques et chimiques. Plus les astronomes regardent loin, plus ils regardent dans le passé, comme des paléontologues. Classer des objets sans connaître leur histoire ne peut donc plus suffire. La cladistique cherche à pallier ce manque dans la connaissance des objets célestes.

Si l’on attendu aussi longtemps pour remettre en cause les classifications traditionnelles, c’est d’abord une affaire de quantité d’informations. Avec les armadas de très gros télescopes, des millions de données concernant des milliers de galaxies s’entassent dans les laboratoires. Il faut les synthétiser. Classer. Tacher d’appréhender la complexité et l’histoire des objets, si l’on veut mieux comprendre ce que l’on observe. Le parallèle avec l’histoire de la biologie est évident : la classification du vivant est d’abord née de besoins très pragmatiques en botanique (on soignait essentiellement par les plantes) ; elle ne s’est étendue au règne animal que lorsque le nombre d’espèces connues a commencé à devenir très important. C’est à ce phénomène de saturation qu’arrive maintenant l’astrophysique. Elle est confrontée à un changement d’échelle dans la quantité d’information collectée. Quoi de plus logique, dès lors, que d’emprunter les recettes de la biologie ?

Didier Fraix-Burnet ne s’est pas lancé seul dans cette nouvelle discipline . Contrairement à Sidney van den Bergh (1929- ), spécialiste reconnu de la classification des galaxies qui s’est essayé à l’exercice mais sans aboutir à rien de concluant, il a mis tous les atouts de son côté en s’associant d’autres compétences. Notamment celles des biologistes Philippe Choler, du Laboratoire d’´Ecologie Alpine de Grenoble, et d’Emmanuel Douzery, du Laboratoire de Paléontologie, Phylogénie et Paléobiologie de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier. Mais aussi celle de mathématiciens, de statisticiens et, tout de même, d’un astronome, Emmanuel Davoust, de l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie à Toulouse.

A entendre Didier Fraix-Burnet, ses incursions en territoire inconnu ne laissent pas indifférents dans la communauté. Mais, pour l’instant, sans déclencher de vocation… Les données sur les galaxies nécessaires à la classification existent, pourtant, et sont facilement accessibles. Pas besoin non plus de grosse puissance de calcul pour faire tourner les algorithmes, ni de développement informatique : les logiciels de cladistique existants, basiques et non spécifiques, suffisent aux besoins naissants. Il serait donc facile à d’autres équipes de suivre la trace de Didier Fraix-Burnet. Mais il reste pour l’instant, à sa connaissance, le seul à s’être lancé dans l’aventure. De son point de vue, sa position marginale tient sans doute à un cloisonnement culturel qui à la peau dure : les physiciens resteraient réticents car non formés aux méthodes d’analyse statistiques dont sont friandes les sciences du vivant ainsi que les sciences humaines et sociales.

La galaxie du Sculpteur, une galaxie inclassable: un astre n'a pas forcément le même aspect selon la longueur d'ondes à laquelle on l'observe ; dans l'infrarouge (en haut), le Sculpteur révèle une barre d'étoiles masquée en lumière visible (en bas).

 

Des premiers résultats encourageants

En 2006, Didier Fraix-Burnet est fin prêt pour commencer à défricher un champ de recherche encore vierge. Il s’attache d’abord à détailler sa méthode d’application de la cladistique aux objets célestes dans deux articles publiés dans le Journal of Classification. La même année, il passe à la pratique sur les galaxies naines du Groupe local et en publie les résultats dans Astronomy & Astrophysics. Deux autres résultats suivront, l’un sur les amas globulaires de notre galaxie (2009), le plus récent sur le plan fondamental des galaxies (2010).

Dans l’étude pionnière sur les galaxies naines du Groupe local, l’idée est de commencer par des choses simples pour être sûr d’aboutir à quelque chose. D’où le choix d’un petit échantillon (36 galaxies), qui simplifie le travail statistique de constitution des arbres évolutifs. D’où, aussi, le fait d’étudier des objets proches, dont on peut facilement déterminer un grand nombre de paramètres physiques et chimiques : masse, composition chimique, vitesse de rotation, vitesse de dispersion… 24 caractères en tout sont pris en compte, chose difficilement réalisable avec des objets plus lointains. Résultat : un arbre phylogénétique suffisamment robuste qui permet d’identifier cinq groupes de galaxies naines différents. Selon cet arbre, la dichotomie simpliste entre galaxies sphériques et irrégulières qui prévalait jusqu’alors ne tient plus. Mieux, les deux types de galaxies seraient formés à partir d’un seul « ancêtre ». Les hypothèses sur la formation de ces galaxies naines ne sont plus du tout les mêmes selon qu’on considère un seul ou plusieurs processus de formation ! Si l’arbre dit juste, l’utilité de la cladistique est donc démontrée. Pour Didier Fraix-Burnet, ces premiers résultats concrets montrent le bien fondé de sa nouvelle approche. La méthode initiale fonctionne. Il reste maintenant à la perfectionner.

Demain, une nouvelle classification des galaxies ?

De là à bâtir une nouvelle classification des galaxies, il y a tout de même un pas de géant. Le chercheur ne l’envisage pas dans un proche avenir. Il reste de nombreuses difficultés, de nombreuses pistes à explorer. Une classification n’a d’intérêt que si elle résout un problème particulier et elle n’est jamais définitive. Dans l’immédiat, classifier n’est donc pas un objectif en soi. Ce qu’il faut, c’est d’abord mieux comprendre, en explorant divers types de galaxies. La classification viendra après. Avec les méthodes actuelles, on peut établir des cladogrammes portant sur quelques 700 galaxies. Pour obtenir une nouvelle classification complète, il faudrait pouvoir en étudier… 1 million !

En biologie, la cladistique a chamboulé les dénominations usuelles. Les groupes des reptiles ou des poissons, par exemple, n’ont plus de sens aujourd’hui, mais on continue pourtant à parler de poissons et de reptiles. L’astrocladistique, qui n’en est encore qu’à ses balbutiements est encore très loin d’être confrontée à ce genre de problème sémantique. Les galaxies spirales, elliptiques ou barrées qui nous sont familières feront partie du bestiaire astronomique pendant encore un bon moment.

 

Cet arbre phylogénétique (ou cladogramme) retrace l’histoire évolutive la plus probable pour 14 galaxies naines du Groupe local, à partir de l’étude de  24 caractères physiques et chimiques. Il s’agit de l’arbre le plus « parcimonieux », c’est-à-dire nécessitant le moins de modifications de caractères (on parle de « sauts ») depuis un type ancestral unique jusqu’à la diversité de galaxies actuelles.

A chaque embranchement, les deux nombres indiquent la robustesse du modèle : le nombre du haut correspond au « boostrap » (succession de 1000 rééchantillonnages ; le nombre indique en pourcentage combien de fois on retombe sur le même résultat ; un résultat de 70% est considéré comme assez robuste) ; le nombre du bas correspond au « decay » (le nombre de « sauts » supplémentaires qu’il faudrait pour invalider le nœud ; plus il est élevé, mieux c’est).

Curiosity sur Mars en 10 chiffres

Départ imminent ! Mars Science Laboratory (MSL) devrait décoller le 26 novembre 2011 à partir de 16 h 02, heure de Paris). Si tout se passe comme prévu, le rover Curiosity, véritable laboratoire de chimie ambulant, explorera les pentes du cratère Gale en août 2012 pour traquer des indices de l’habitabilité passée de Mars. Le point sur cette mission en 10 chiffres clés.

 

1

Contrairement à ses prédécesseurs, les jumeaux Opportunity et Spirit, Curiosity ne partira qu’en un seul exemplaire. Pas de droit à l’erreur pour la Nasa, qui a apporté diverses innovations à la procédure d’entrée dans l’atmosphère, de descente et d’atterrissage. Trop lourd pour être largué dans des airbags, Curiosity devrait se poser en douceur sur le sol martien grâce à une technique combinant descente sous parachute, descente propulsée et dépose finale au sol à l’aide d’une grue. Le tout sous l’œil attentif des deux sondes Mars Odyssey et MRO qui communiqueront toutes les informations utiles en cas de problème.

 

3 (m)

C’est la longueur du rover, véritable petite voiture autonome de 900 kg. Un Goliath en regard de ses prédécesseurs qui n’affichaient que 174 kg sur la balance. Ce gigantisme est un atout majeur pour MSL : pouvoir charrier 80 kg d’instrumentation scientifique contre 6,8 kg pour MER, la mission précédente – les sondes Viking étaient, elles, aussi lourdement équipées, mais elles ne se déplaçaient pas !.

 

6

C’est le nombre de roues de Curiosity. Une technologie héritée des rovers précédents, mais portée à l’échelon supérieur. Alors que la saga Spirit avait été ponctuée par le blocage d’une de ses roues puis par son ensablement définitif à la surface de la planète rouge, on espère pour cette mission que la roue va tourner, et bien : Curiosity sera capable d’escalader des obstacles de 65 cm (soit plus que les 50 cm de diamètre de ses roues), de gravir des pentes de 45° et de comprendre qu’une de ses roues est enlisée afin de ne pas aggraver la situation en patinant inutilement.

 

20 (km)

C’est la précision d’atterrissage de MSL (photo du bas), contre 70 km pour MER, qui n’aurait donc pas pu viser un site tel que Gale. C’est aussi l’autonomie minimale prévue du rover… Autant dire qu’un atterrissage un peu trop excentré ne laisserait ensuite guère de place aux fantaisies de parcours pour explorer les formations géologiques inconnues des pentes du cratère.

en jaune, la zone d’atterrissage au Nord du cratère Gale, retenu parmi une trentaine de sites candidats passés à la loupe de la sonde MRO

 

74

C’est le nombre minimum d’échantillons du sol martien que Curiosity devrait analyser, à raison de 6 heures de mesures scientifiques quotidiennes. Capable de chauffer les échantillons jusqu’à 1100°C, le rover sera en mesure de découvrir des molécules organiques (les CHNOPS, carbone, hydrogène, azote, oxygène, phosphore et soufre) sensées être présentes sur le sol martien, mais que les antiques sondes Viking n’avaient pu débusquer dans les années 1970.

 

au sommet du mât de Curiosity, la ChemCam (caméra chimique) récoltera la lumière émise par les roches chauffées par son laser d’une portée de 9m afin d’en analyser la composition

 

110 (W)

C’est la puissance électrique qui permettra au rover d’alimenter en continu ses batteries. De quoi faire fonctionner (pas en même temps, bien sûr !) son bras robotique, les moteurs de ses roues, son informatique et son système de communication, ainsi que ses 10 instruments scientifiques qui en font un véritable robot chimiste (2 d’analyse à distance situés sur le mât, 2 d’analyse au contact situés au bout du bras robotique, 2 labos d’analyse d’échantillons de sol ou de roches, 4 instruments d’analyse de l’environnement martien).

 

238

C’est l’isotope du plutonium (238Pu) utilisé dans le GTR (générateur thermoélectrique à radioisotope) du rover. En se désintégrant, une charge de 4,8 kg de matériau radioactif produira de la chaleur, transformée en électricité par des thermocouples. Cette source d’énergie est couramment employée par la Nasa en raison de sa puissance et de sa fiabilité. Elle permettra d’évacuer les contraintes de rendement des précédents astromobiles, équipés des panneaux solaires, lors des hivernages martiens. Sa durée de vie par définition limitée est tout de même confortable : a minima une année martienne, soit 687 jours terrestres, et sans doute beaucoup plus puisque le GTR devrait encore fournir 100 W électriques après 14 années terrestres de fonctionnement. À cette date, même l’increvable Opportunity aura sans nul doute cessé de fonctionner.

 

300 (m)

C’est en dessous de cette altitude, donc dans les parties les plus basses du pic central du cratère Gale, que Curiosity trouvera son bonheur géologique : des argiles. Ces roches se forment en présence d’eau au pH modéré et témoignent donc d’un environnement qui put jadis être propice à la vie. Le pic du cratère Gale présente des centaines de strates formant une butte comparée aux Rocheuses et qui semblent révéler les changements environnementaux survenus sur Mars il y a environ 3,5 milliards d’années : plus on monte et plus les argiles laissent la place aux sulfates, signalant l’assèchement de la planète.

c’est cher… mais c’est beau !

5000 (m)

C’est la hauteur approximative du pic qui domine le cratère Gale. Pour la Nasa, un paysage plus photogénique que les plaines sableuses interminables où Oppy et Spirit peinaient à progresser, n’offrant au grand public que des vues très monotones. Les mauvaises langues diront que les objectifs de communication de l’agence américaine ont prévalu sur l’intérêt scientifique d’autres sites candidats, plus riches en argiles, et défendus en particulier par la communauté d’astronomes français.

 

2 500 000 000 ($)

C’est le budget considérable de MSL (contre 800 millions pour MER). Une mission qui aura été, selon la Nasa, la plus compliquée à mettre sur pied en dehors des vols habités, et qui aura connu moult glissements de calendrier et renoncements techniques (les caméras 3D embarquées de James Cameron, pour le dernier en date).

Rendez-vous en août 2012 pour assister aux très attendus premiers tours de roue de Curiosity.

éclipses solaires, pas de quoi perdre la tête pour les muppets (hs#8 : MASTODON, Deathbound)

Pour les vacances, musique douce, soleil et clip rigolo, avec Mastodon et ses muppets allumés plongés dans la folie meurtrière à cause d’une éclipse de soleil, pour illustrer Deathbound, un inédit de l’album Crack the Skye.

headbanging science,

la rubrique musicale des titres qui ont (presque) un rapport avec la science

#8 : MASTODON – DEATHBOUND

Produit par Authority Films, à qui l’on doit deux étranges clips de l’album Leviathan (le réussi Seabeast et Blood and Thunder), ce carnage au pays des muppets fait partie du programme de vidéos 2011 de [adult swim], une chaîne du câble américaine décalée qui s’adresse aux ados attardés de 18 ans & +. Voici le Muppet Show et Sesame Street à la mode Mastodon :

My Dailor is insane

Brann Dailor, (extraordinaire) batteur du groupe annonce la séquence grimé en Mister Rogers, présentateur d’un célèbre programme pour enfants aux Etats-Unis (Mister Rogers’ Neighborhood) – franchement, à part les boucles d’oreilles, difficile de les différencier. Il présente le phénomène des éclipses solaires, qui ont “d’étrange effets sur le comportement des gens.” Et s’inquiète aussitôt de savoir si “nos amis de Magic Land vont bien”. Pas terrible en fait, comme on l’a vu.

Eclipses solaires, demandez le programme

On peut comprendre que dans certaines cultures, les éclipses solaires aient pu terroriser des peuples qui ignoraient tout de ce phénomène astronomique certes spectaculaire mais tout ce qu’il y a de plus banal (au point de se conduire comme des muppets et de relâcher Tintin alors qu’ils avaient quand même l’occasion rêvée de le faire rôtir). Il n’existe pas d’étude qui établirait un effet concret quelconque des éclipses sur l’être humain. Le meilleur moyen de battre en brèche tout mysticisme associé à un phénomène naturel consiste à démontrer son caractère anecdotique. C’est assez facile à faire en changeant d’échelle, donc de perspective.

Non, les éclipses solaires ne sont pas un événement rare ! A l’échelon individuel, effectivement, il faut savoir s’organiser et travailler sa mobilité si on veut pouvoir les observer (et compter sur une météo clémente, mais ça…). Sur cette carte de la Nasa figurent les trajets de éclipses totales de Soleil pour la période 2001 – 2025 :

Total Solar Eclipse Map (2001-2025) ; crédit : Nasa

En Europe, prochainement, ça va être un peu ardu, à moins de faire escale dans une des riantes contrées que sont les Féroé, le Spitzberg, ou la Nouvelle-Zemble en 2015. L’occasion la plus proche est pour les Australiens, le 13 novembre 2012 (Etat du Queensland et Territoire du Nord). En Asie, c’est l’Indonésie qui sera privilégiée en 2016. Pour l’Amérique du Nord, ce sera tout bon le 21 août 2017 du côté de Memphis, Tennessee. L’Amérique du Sud aura plusieurs occasions en 2019 et 2020. L’Afrique devra attendre 2026.

5000 ans d’éclipses – l’abondance

Si cela ne réussit pas à guérir votre angoisse des éclipses, je vous conseillerai de vous rendre sur le site de la Nasa consacré au phénomène. Pendant cinq millénaires (de -1999  à l’an 3000) la Terra aura connu pas moins de 11 898 éclipses solaires de tous types !  Les éclipses totales ne représentent qu’un quart de l’ensemble. Voici la répartition :

Si 5000 ans vous semblent trop, on peut se concentrer sur le 21e siècle uniquement (2001 – 2100). Pas moins de 224 éclipses au programme, dont 68 totales ; il y a tout de même de quoi faire pour les astronomes !

Pour finir de vous persuader de la banalité du phénomène, dites-vous qu’il y a entre 2 et 5 éclipses solaires (de tous types) chaque année. La prochaine année comptant 5 éclipses est 2206, ce qui devrait vous laisser le temps de vous préparer. La plus longue éclipse solaire est elle prévue pour le 16 juillet 2186. Elle durera 07m 29s. La plus courte a eu lieu le 03 février de l’an 919. Elle n’avait duré que 9 secondes ! (on relate que ce jour-là, bon nombre d’astronomes avaient préféré aller à la piscine plutôt que de travailler pour si peu).

Si malgré tout vous vous comportez toujours comme un muppet en folie à l’approche d’une éclipse, vous pouvez toujours transmettre vos coordonnées à Mastodon pour une prochaine vidéo… à moins que leur carrière connaisse une éclipse fatale.

Dans des époques reculées, mais aussi dans certaines cultures actuelles, il est attribué aux éclipses solaires des propriétés mystiques. Les éclipses solaires peuvent être effrayantes pour des personnes ignorant la nature relativement inoffensive de ce phénomène astronomique. En effet, le Soleil disparait soudainement au milieu de la journée et le ciel s’obscurcit en quelques minutes.

Dans des époques reculées, mais aussi dans certaines cultures actuelles, il est attribué aux éclipses solaires des propriétés mystiques. Les éclipses solaires peuvent être effrayantes pour des personnes ignorant la nature relativement inoffensive de ce phénomène astronomique. En effet, le Soleil disparait soudainement au milieu de la journée et le ciel s’obscurcit en quelques minutes.

jeu de l’été : l’astéroquiz

[extrait et inspiré du vrai astéroquiz rédigé pour Ciel & Espace, n°495, juillet 2011]

Vous connaissez les quiz ? Vous connaissez les astéroïdes ? Voici l’astéroquiz.


1. Au 18 avril 2011, combien d’astéroïdes avait-on dénombré environ ?

  • a. Plus d’un million
  • b. 550 000
  • c. 275 000
  • d. 7

2. Parmi ces noms, lequel n’a pas encore été donné à un astéroïde ?

  • a. Vodka
  • b. Umbertoeco
  • c. Geranium
  • d. Marsupilami
  • e. lebLoug

3. L’astéroïde Cléopâtre a une forme :

  • a. D’os
  • b. De nez
  • c. De pyramide
  • d. De Liz Taylor (jeune)

 

4. Les 40 000 tonnes de poussières autour de Scheila sont dues :

  • a. A la vaporisation de glaces
  • b. A un impact avec un autre astéroïde
  • c. Au fait qu’elle n’est pas montée sur scène depuis longtemps

5. Quelle proportion de sa masse d’origine la ceinture d’astéroïdes principale a-t-elle conservé ?

  • a. 0,1%
  • b. 1%
  • c. 10%
  • d. 100%

 

6. Vrai ou faux ? On peut-voir des astéroïdes à l’œil nu (et à jeun) :

  • a. Vrai
  • b. Faux

7. Quelle est la particularité de l’astéroïde 2010 SO16 ?

  • a. Il est sur la même orbite que la Terre
  • b. Il a une trajectoire en fer à cheval
  • c. Il va s’écraser sur Sarkozy en 2012

8. L’échelle de Turin évalue de 0 à 10 le risque d’impact d’un astéroïde avec la Terre. Sur cette échelle, où se situe l’astéroïde Apophis, qui a fait l’actualité récemment ?

  • a. 0 (aucun risque)
  • b. 1 (risque normal)
  • c. 2 (collision très improbable, mais trajectoire proche de la Terre)
  • d. 4 (trajectoire rapprochée, plus de 1 % de possibilités de collision capable de dévastation régionale)
  • e. 10 (vous ne le savez pas mais en fait vous êtes déjà tout plat)

9. Quel est le premier pays à s’être posé sur un astéroïde et en avoir rapporté des échantillons sur Terre ?

  • a. Le Japon
  • b. La France
  • c. La Russie
  • d. La République de Vanuatu
  • e. Aucun

Fini ? Voici les réponses et le verdict sur votre expertise en astéroïdes

 


Question 1. Réponse b :  550 000

A cette date, le Minor Planet Center recensait exactement 552 386 astéroïdes ! Dont environ la moitié ayant reçu un numéro définitif (275 490) et l’autre moitié pas encore (276 896). Depuis 1998, la plupart des astéroïdes sont découverts automatiquement grâce à des systèmes combinant caméras CCD et ordinateurs reliés directement aux télescopes.

Question 2. Réponse a : Vodka

 

C’est le Minor Planet Center qui se charge de la désignation des astéroïdes une fois leur orbite confirmée. Sa première désignation indique exactement quand il a été découvert, puis il reçoit un numéro permanent. Les premiers astéroïdes ont reçu des noms de personnages de la mythologie, de lieux, de personnalités etc. C’est plus rare maintenant compte tenu du le rythme de découverte. C’est parfaitement injuste mais le bLoug n’a pas encore d’astéroïde à son nom !

Question 3. Réponse a : D’os

En dessous de 800 km, la gravitation ne peut donner une forme sphérique aux objets célestes. C’est pourquoi tous les petits astéroïdes ont une forme irrégulière, dite “patatoïde”. Certains ont été formés suite à la collision de deux corps, comme 217 Cléopâtre, qui a la forme surprenante d’un os (photo ci-dessous). Cela tend à confirmer l’hypothèse d’une formation des planètes par un mécanisme d’accrétion par collision.

 

Question 4. Réponse b : A un impact avec un autre astéroïde

Le nuage de poussière de 113 km de diamètre découvert par Hubble autour

 

de l’astéroïde 596 Scheila en décembre 2010 serait dû à un impact avec un petit astéroïde, un phénomène courant dans la Ceinture d’astéroïdes. L’autre hypothèse qui mettait en avant l’exposition soudaine de glaces éjectant de la poussière en se vaporisant a été repoussée. Aucun rapport, bien sûr, avec la grandissime chanteuse Sheila.

 

Question 5. Réponse a : 0,1%

La plupart des scientifiques pensent que la ceinture d’astéroïdes est composée de résidus du système solaire primitif qui n’ont jamais pu former de planète. Lors de sa formation, la ceinture aurait eu une masse équivalente à celle de la Terre. Mais très vite, à peine un million d’années après, la majeure partie des matériaux a été éjectée à cause de perturbations gravitationnelles. Il ne reste aujourd’hui que moins de 0,1% de la masse d’origine, une proportion infirme qui reste stable. C’est la recette minceur de l’été.

Question 6. Réponse a : Vrai

Avec un diamètre moyen d’environ 530 km, Vesta est le deuxième plus gros astéroïde de la ceinture (après Cérès). C’est aussi l’astéroïde le plus brillant, suffisamment pour être discernable à l’œil nu à certains moments. Avec des jumelles, Vesta est constamment observable depuis des endroits dénués de pollution lumineuse.

Question 7. Réponse a et b : Il est sur la même orbite que la Terre et a une trajectoire en fer à cheval.

 

Découvert en septembre 2010 par le satellite Wise, l’astéroïde 2010 SO16 partage la même orbite que notre planète mais suit une trajectoire curieuse : il s’éloigne et se rapproche de nous sur une orbite en fer à cheval, en mettant 175 ans pour aller d’une extrémité à l’autre. Il est possible que ce petit corps soit un vestige de la formation de la Terre.

Question 8. Réponse a : 0

Apophis est un astéroïde de 270 mètres qui libérerait l’énergie de 34 000 bombes d’Hiroshima s’il tombait sur la Terre… En 2004, Apophis a atteint le niveau 2, puis 4 sur l’échelle de Turin ! Mais il est ensuite redescendu au niveau 1 et est aujourd’hui à 0, soit un risque de collision nul. Apophis continuera toutefois à flirter avec la Terre, mais au-delà de 100 ans ses prévisions d’orbites deviennent trop imprécises

Question 9. Réponse a : Le Japon

C’est la sonde japonaise Hayabusa qui a réalisé l’exploit de rapporter 1500 grains de taille micrométrique de l’astéroïde Itokawa en 2005. Au retour sur Terre, en 2010, des analyse au microscope électronique ont confirmé que cette récolte provenait bien de l’astéroïde et pas d’une contamination terrestre. Itokawa n’étant pas un astéroïde primitif, il ne peut hélas nous renseigner sur la formation des planètes. Ce sera peut-être l’objet de futures missions.


Verdict de l’astéroquiz

De 0 à 3 bonnes réponses : vous n’êtes pas encore très au point sur les petits corps planétaires ; vous devriez vérifier qu’une météorite n’est pas tombée dans votre jardin sans que vous vous en rendiez compte.

De 4 à 6 bonnes réponses : vous êtes sur la bonne voie ; avec un peu de persévérance, votre nom sera peut-être bientôt donné à un nouvel astéroïde. A condition de lire le bLoug plus assidûment.

De 7 à 9 bonnes réponses : vous êtes prêt à remplacer Bruce Willis au pied levé si la menace de collision d’Apophis avec la Terre est finalement revue à la hausse.