Sodomie : 100% naturelle

En réaction aux saillies homophobes de certains opposants au mariage pour tous, un peu de sciences naturelles pour expliquer que : non, l’intromission du pénis dans le rectum – et plus largement, l’homosexualité – n’est pas une pratique contre-nature. C’est même tout le contraire, ainsi que le démontre le monde animal à l’envi.

La captivité induisant des comportements que l’on n’observe pas dans la nature et la domestication pouvant faire apparaître des comportements homosexuels en sélectionnant indirectement certains traits, il faut regarder du côté des populations sauvages.


Quels sont les cas d’homosexualité observés chez les animaux ?

La distribution de l’homosexualité dans le règne animal est extrêmement large. Elle concerne non seulement des centaines d’espèces, mais encore une large gamme d’animaux, qu’ils soient sociaux ou pas, de l’insecte (coléoptères, papillons, libellules et blattes) aux mammifères terrestres et marins en passant par les reptiles et les oiseaux, bref à peu près tout ce qui a une reproduction sexuée. Pour être exact, ces comportements ne se traduisent pas toujours par une intromission effective.

Les cerfs à queue blanche dédicacent cette monte à Frigide et à ses coreligionnaires trop vite déscolarisés

Les cerfs à queue blanche dédicacent cette monte à Frigide et à ses coreligionnaires trop vite déscolarisés

Nous n’allons pas écrire les 120 journées de Sodome du monde animal, mais mentionner seulement trois cas présentant un intérêt particulier.

Le Charançon des agrumes, qu’on ne soupçonnerait a priori pas de débauche, se révèle être un libertin frénétique : on observe de véritables partouzes où les mâles montent les femelles, les femelles montent les mâles, et les mâles se montent entre eux ou montent les couples déjà formés. Notons que l’appareil génital du mâle pénètre bien la cavité anale de son partenaire.

Le petit pingouin est amusant, car il a inventé le club libertin. Les montes entre mâles ne se produisent pas à proximité des colonies de reproduction, au milieu des gosses, mais un peu à l’écart, et impliquent même une minorité de femelles. Chez le petit pingouin, qu’on se le dise, 91% des mâles se font monter par d’autres mâles.

Les frottis-frottas du bonobo étant relativement connus, je mentionnerai ici plutôt le fier gorille des montagnes (objet de tant de fantasmes injustifiés), chez qui l’on trouve des groupes constitués uniquement de mâles. Et là, comme dans toute situation contrainte de ce type, advient ce qui doit advenir : les mâles ont des comportements homosexuels régis par leur rang hiérarchique. Temporairement exclus du marché du sexe hétérosexuel, ils sont coincés dans une file d’attente sociale, dont ils sortiront éventuellement lorsqu’ils pourront avoir accès aux femelles.

Esquisse d’explication et de différentiation

Les biologistes retiennent trois catégories d’explication : la pénurie de partenaires de l’autre sexe (comme chez le gorille), la nécessité d’alliances sociales (comme chez le dauphin) ou la difficulté à discriminer entre les sexes (typiquement, chez les insectes).

Il convient ici de préciser que les scientifiques qui travaillent sur le sujet distinguent les comportements homosexuels de la préférence homosexuelle, qui est exclusive et sur le long terme. Le distinguo a son importance, car l’existence d’une préférence homosexuelle exclusive n’a jusqu’ici été formellement démontrée chez aucun animal non humain. Il n’est donc pas rigoureusement exact d’assimiler les pratiques homosexuelles animales aux pratiques humaines, bien que certaines associations homosexuelles semblent perdurer chez certaines espèces, par exemple chez certains goélands ou certains cygnes. Ceci soulève aussitôt deux questions : qu’est-ce qui fait cette spécificité humaine ? Et comment se fait-il que ce trait puisse être sélectionné, compte tenu de l’évidente baisse de fertilité qu’il implique ? Des billets ultérieurs permettront d’apporter quelques éléments de réponse.

D’ici là, j’aimerais finir en exposant une légère pointe d’agacement devant la façon dont lesmédias traitent l’actualité de ce sujet. C’est bien gentil de nous infliger continuellement les vagissements de l’alliance prognathe du bombers et de la soutane, mais serait-il inconcevable d’opposer à leur protoargumentation, au moins de temps en temps, l’avis circonstancié des gens qui connaissent le sujet. Vous savez, oui, les chercheurs. Parce qu’ils ne font pas que chercher des bosons, ils ont aussi des choses à dire pour éclairer ce type de débat. Je ne sais pas, moi, un écologue, par exemple, un anthropologue, un biologiste de l’évolution… C’est quand même pas compliqué. Enculés de lesmédias, tiens…

 

Ces éléments sont tirés sans vergogne d’un parfait résumé sur l’homosexualité chez les animaux commis par Michel Raymond & Frank Cézilly

Michel Raymond a également consacré un chapitre à l’homosexualité dans son premier livre Cro-Magnon toi-même (ici : la critique de son second ouvrage), qui est plus que recommandable.

 

le quiz nature du printemps

Vous avez performé comme des malades au quiz de l’automne sur les merveilles de la nature en très gros plan ? En ferez-vous autant pour le redoutable quiz du printemps ?

De quoi s’agit-il donc…

Photo 1

A – Un champignon du cuir chevelu

B – Une langue de pingouin

C – Un poisson-scie gominé

Quiz7

Photo 2

A – Des pointes de flèche du Néolithique

B – Une râpe à diamants

C – De la peau de requin

Quiz 6

 

Photo 3

A – Le secret de la moustache d’Edwy Plenel

B – L’algue comestible n°1 au Japon

C – Des poils de phoque

Quiz 5
Ces photos sont toujours extraites de La nature vue de (très) près, Giles Sparrow (Dunod, 320 pages, 22€), qui nous invite à regarder au plus près notre environnement: animaux, plantes ou structures géologiques remarquables, avec des petits textes explicatifs plutôt instructifs.

 

Voici les réponses. Je rappelle qu’un voyage à Bali est en jeu, ne trichez pas !

Photo 1

B – Une langue de pingouin

C’est bien une langue de pingouin, recouverte de barbes rigides qui empêchent les proies chassées en plongée par l’oiseau (krill, petits poissons et calmars) de glisser hors de son bec. (C’est toujours utile pour ne pas manger salement.)

Photo 2

C – De la peau de requin

S’il vous vient à l’idée de caresser un requin, faites-le dans le sens des denticules dermiques qui tapissent son corps ; dans l’autre, ça râpe ! – la peau du requin était d’ailleurs utilisée comme papier de verre. Ces couches de denticules, constituées d’une cavité centrale entourée d’une fine paroi de dentine, protègent le requin des parasites et favorisent son hydrodynamisme.

Photo 3

C – Des poils de phoque

Cette coupe d’une peau de phoque au microscope électronique à balayage montre que la fourrure de l’animal est constituée de poils aplatis, étanches, disposés en couches superposées, qui emprisonnent suffisamment d’air pour empêcher que l’eau (ou le vent) atteigne la peau. Si cela ne suffit pas, il y a en dessous une sacrée couche de graisse, que l’on peut voir dans un phoque coupé en deux par le scalpel de JP Colin.

 

Darwin était-il raciste ?

Suite et fin de la série de 3 billets sur la dérive raciste de l’expression “l’homme descend du singe”. Après un billet consacré à la Vénus Hottentote et un autre consacré aux élucubrations classificatoires du médecin anglais Charles White, faisons le point sur le prétendu racisme de Darwin.

Et commençons par re-dissiper un malentendu. Ainsi que l’ont montré les billets précédents, les Européens ont adopté une représentation hiérarchique des races humaines bien avant d’admettre un quelconque tranformisme – i.e. étaient racistes bien avant que Charles Darwin publiât L’Origine des espèces. Cédric Grimoult, dans l’ouvrage Créationnismes, mirages et contrevérités, cite le biologiste et généticien Michel Veuille à l’appui de cette idée :

Avant qu’aucun idée transformiste eût été avancée, le “nègre” se plaçait déjà, dans l’ordre de la nature, sur la ligne descendante allant de l’homme “parfait” au singe…1


Il n’en reste pas moins que, par calcul ou ignorance, les contempteurs de tous poils ont maintes fois reproché à Darwin d’être un chantre de l’inégalité des races.

Did-darwin-promote-racism

Un exemple de propagande parmi d’autres, due à l’officine créationniste Answer in Genesis

Les accusations portées à son encontre sont de deux ordres. Les premières tiennent moins à ses convictions qu’à celles des diverses personnalités avec qui il fut en rapport professionnel ou intime. Ainsi pointe-t-on souvent les idées eugénistes et racistes de son cousin Francis Galton ou l’action de son propre fils, Francis Darwin, à la tête de la Fédération internationale des organisations eugénistes. Dans la continuité de ces accusation, et de façon curieuse, on lui reproche également une supposée absence d’engagement contre le racisme, comme si cela valait caution.

Dans Darwin n’est pas celui qu’on croit, idées reçues sur l’auteur de L’Origine des espèces 2, Patrick Tort pourfend de façon salutaire ces griefs dénués de fondement en rappelant que les rapports épistolaires que Darwin entretenait avec son encombrant cousin se limitaient à des questions professionnelles. Concernant son fils, il souligne que ses activités ne pouvaient bien évidemment nullement condamner son père par une sorte de contamination ascendante ! Pour ce qui est de l’engagement, Tort rappelle également que la naturaliste anglais eut à s’impliquer au sein de l’Ethnological Society et que ses écrits témoignent sans ambiguïté de sa révolte personnelle contre l’esclavagisme.

Le second registre d’accusation de racisme tient aux écrits de Darwin, en particulier à certains passages de La Filiation de l’homme, qui peuvent, assurément, choquer un lecteur actuel (du moins le genre de lecteur qui s’étonnerait que soit prononcé le mot “Nègre” dans le biopic sur Lincoln, par exemple).

On trouve par exemple, dans certains ouvrages de vulgarisation, assortis de commentaires moralisateurs, cette mise en parallèle du « visage profondément sillonnée et fastueusement coloré, pour devenir plus attrayant pour la femelle »3 du mandrill africain avec les peintures du visage des bandes rouges, bleues, blanches ou noires des « nègres » et de divers sauvages. Ou cette observation sur « les facultés mentales des animaux supérieurs [qui] ne diffèrent pas en nature, bien qu’elles diffèrent énormément en degré, des facultés correspondantes de l’homme, surtout de celles des races inférieures et barbares »4.

Pour ne rien masquer de ce qui peut consterner un lecteur non averti, cet extrait est également souvent cité :

Quiconque a vu un sauvage dans son pays natal n’éprouvera aucune honte à reconnaître que le sang de quelque être inférieur coule dans ses veines. J’aimerais autant pour ma part descendre du petit singe héroïque qui brava un terrible ennemi pour sauver son gardien, ou de ce vieux babouin qui emporta triomphalement son jeune camarade après l’avoir arraché à une meute de chiens étonnés, – que d’un sauvage qui se plaît à torturer ses ennemis, offre des sacrifices sanglants, pratique l’infanticide sans remords, traite ses femmes comme des esclaves, ignore toute décence, et reste le jouet des superstitions les plus grossières.5

Au moins ne pourra-t-on pas accuser Darwin de ne pas aimer les singes…

Au-delà de ça, l’affirmation suivant laquelle le naturaliste anglais était raciste repose en général, selon Tort, sur « des montages de citations hors contexte » (ce que nous venons de faire pour la bonne cause) et sur « un véritable déni de la logique profonde et de la cohérence complexe de la pensée de Darwin »6.

Il faut pour comprendre les citations ci-dessus, se garder de tout anachronisme et distinguer clairement le sentiment de supériorité dont souffrait tous les Européens blancs de l’époque, sans que Darwin y fît exception, du racisme proprement dit, qui repose, selon la définition de Tort, sur trois composantes.

  1. D’abord une inégalité entre humains reposant sur le primat du biologique, donc un déterminisme, à la fois persistant et transmissible.
  2. Ensuite la pérennité et l’irrévocabilité de cette inégalité, qui découlent logiquement de ce qui précède.
  3. Et enfin un discours de prescription (ou des actes) visant à concrétiser cette hiérarchie naturelle dans une domination sociale au besoin brutale.

Aucune de ces trois composantes ne saurait qualifier les écrits, la pensée ou les actes de Charles Darwin. Accuser de Darwin de racisme est non-sens et n’a d’autre visée que polémique et idéologique.

  1. M. Veuille, La Sociobiologie, Paris, Presses universitaires de France, “Que sais-je”, 1986, p.118.
  2. P. Tort, Darwin n’est pas celui qu’on croit, idées reçues sur l’auteur de L’Origine des espèces, Paris, Le Cavalier Bleu, p.101-119.
  3. C. Darwin, La descendance de l’homme et la sélection sexuelle, Paris, Reinwald, 1876, p.662.
  4. Id., p.661.
  5. Id., p.752.
  6. P. Tort, Ibid., p.102

la culture scientifique pour les nuls, aperçu

Avant de penser à diffuser la culture scientifique et à vulgariser la controverse, ne faudrait-il pas que le grand public maîtrise la lecture et l’écriture ? Aperçu des difficultés estudiantines face à un texte à trous parlant de chercheurs, de génétique… et d’ecclésiastiques.

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À l’occasion de l’affaire Séralini, certains confrères blogueurs du c@fé des sciences ont amorcé un mini-débat dont il ressortait une certaine préoccupation à l’idée que ce type de coup médiatique puisse nuire à l’image de la science. J’imagine qu’ils faisaient référence à l’image de la science dans le grand public – bien malmené journalistiquement, il est vrai – et pas à la nébuleuse de ceux qui s’intéressent d’un peu plus près à l’actualité scientifique.

Je tiens ici à rassurer mes collègues inquiets, mais d’une façon qui les inquiétera peut-être beaucoup plus encore. Je ne pense pas que l’affaire Séralini ait véritablement nui à l’image de la science dans la mesure où je doute fortement que la plupart des gens aient eu connaissance de beaucoup plus d’éléments que deux ou trois rongeurs boursouflés exhibés au 20h. Et quand bien même ? L’image de la science peut sans doute dormir tranquille, car la teneur de ses querelles échappe au plus grand nombre. Appelons ça un problème de « culture scientifique », si vous voulez. Mais je crois qu’il s’agit plus fondamentalement d’une question de culture tout court, voire tout bêtement de maîtrise de la langue. Peut-être, avant de penser à diffuser la culture scientifique, faudrait-il déjà réapprendre à lire et à écrire ? Ce qui va suivre est à prendre avec distance, mais je pense cela révélateur.

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Il s’agit de quelques trouvailles d’élèves de BTS confrontés à un très classique exercice de « texte à trous ». Le texte de référence qui leur a été proposé est un article sur la bioéthique d’Alain Etchegoyen (Les apprentis sorciers, Le Figaro Magazine, novembre 1991), consultable sur ce site dans l’exercice 2 . Les élèves après avoir pris connaissance de ce texte (pas terrible au demeurant) devaient compléter le petit résumé suivant à l’aide d’une liste de mots-clés. Je n’ai pas en mémoire le temps alloué pour cette périlleuse manœuvre, mais ce n’était pas trop le stress, d’autant qu’ils pouvaient se faire expliciter les termes incompris avant de commencer. Pour bien interpréter ce qui va suivre, il faut également avoir à l’esprit que la graphie des mots-clés renseigne précisément sur leur contexte : un adjectif ne peut remplacer un verbe, un singulier un pluriel – ce qui peut aider, à condition de savoir ce que sont ces drôles de choses.

Prêts pour l’exercice ?

Le texte à trous :

La bioéthique concerne tout le monde, comme le montre la ___ qui confronte deux ___. Pour la ___, composée de ___ et de ___ , le progrès scientifique ne saurait être ___. La recherche entraînera l’___ des maladies et permettra même de les ___. On en viendra à un eugénisme ___ qui améliorera l’espèce humaine et les dépenses de la ___ publique seront allégées. Comment alors ___ ces travaux ? La ___ école, que représentent des philosophes ou des ___, affirme ses craintes en ce qui concerne la pratique d’un eugénisme ___ : il permettra la sélection ___ des embryons et ouvrira de plus en plus largement ses critères de choix à des exigences non ___. On ne peut ___ déterminer nettement quelles ___ sont inconciliables avec l’___, puisque certains individus en ont fait l’origine même de leur ___. ___, pour ces moralistes, il faut que les parents acceptent les ___ de la procréation et restent maîtres de leur décision.

 

Les mots-clés :

limité – condamner – polémique – ecclésiastiques – seconde – contrôlé – pathologiques – rationalistes – tares – humain – aléas – prévoir – génétiques – Enfin – chercheurs – génie – efficace – d’autre part – éradication – écoles – première – Santé – scientifique.

 

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Comme vous l’aurez compris, je n’ai pas choisi ce texte par hasard, mais parce qu’il avait un rapport avec la science (et aussi parce que j’avais accès aux copies). Pathologiques, rationalistes, génétiques, chercheur, scientifique, Santé, etc. de quoi nous renseigner – un peu – sur l’état de la « culture scientifique » de nos concitoyens.

Un premier indicateur fait tout de suite froid dans le dos : la plupart des élèves ont obtenu une note en dessous de la moyenne à cet exercice.

Deuxième constatation, le sens de mots tels que ecclésiastiques, pathologiques ou rationalistes échappe manifestement largement aux élèves, qui les glissent au petit bonheur la chance dans le premier trou venu.

Troisième point, la graphie n’est absolument d’aucune utilité, puisque les élèves recopient les mots plutôt scrupuleusement, mais pour les placer n’importe où, sans se soucier de la structure de la phrase. Il est manifeste que les lacunes en orthographe ou en vocabulaire se doublent d’une agression caractérisée de la syntaxe.

Plus en détail, quelques faits me paraissent intéressants à souligner dans le cadre des rapports science – citoyens. Le texte s’attache à présenter deux écoles de pensée opposées dans une polémique. D’un côté, chercheurs et rationalistes, de l’autre, ecclésiastiques et philosophes. De façon très révélatrice, pratiquement aucun élève ne parvient à restituer correctement cette opposition dans le résumé à trous. On trouve toutes sortes d’attelages amusants (ecclésiastiques & génie VS philosophes & rationalistes ; rationalistes & pathologique ( !) VS philosophes & ecclésiastiques ; chercheurs & génie VS philosophes et scientifiques, etc.). Parfois cette structure d’opposition, courant de pensée contre courant de pensée, n’est même pas comprise. Au lieu d’une « polémique qui confronte deux écoles », on a alors « la scientifique qui confronte deux chercheurs » ou la tare qui confronte deux génétiques », voire, parce que tous les goûts sont dans la nature, « la condamner (?) qui confronte deux polémiques ». Je souhaite bien du courage à tous ceux qui ont en charge d’expliciter les controverses au grand public.

Un deuxième point important a trait aux termes de « chercheurs » et de « scientifiques ». Apparemment, pour certains, cela ne recouvre pas la même chose puisque ces populations (en réalité, scientifique était employé comme adjectif, mais cela n’a pas été saisi) sont parfois opposées ou juxtaposées, comme on le voit dans les exemples ci-dessus.

Dernier point, presque tous placent le verbe « prévoir » dans la phrase « Comment alors ___ ces travaux ? », un peu comme s’ils projetaient de refaire leur salle de bains. Que l’on puisse, dans le cadre de la science et de l’éthique « condamner » des travaux ne va manifestement pas de soi, même lorsqu’on parle d’eugénisme.

 

Terminons en beauté avec un top 3 « décadence de la chrétienté »

  1. On ne peut d’autre part déterminer nettement quelles tares sont inconciliables avec l’« ecclésiastique »
  2. … affirme ses craintes en ce qui concerne la pratique d’un eugénisme « ecclésiastique »
  3. … il permettra la sélection « ecclésiastique » des embryons…

 

En dessous de la moyenne ? La correction :

La bioéthique concerne tout le monde, comme le montre la polémique qui confronte deux écoles. Pour la première, composée de chercheurs et de rationalistes, le progrès scientifique ne saurait être limité. La recherche entraînera l’éradication des maladies génétiques et permettra même de les prévoir. On en viendra à un eugénisme contrôlé qui améliorera l’espèce humaine, et les dépenses de la Santé publique seront allégées. Comment alors condamner ces travaux ? La seconde école, que représentent des philosophes ou des ecclésiastiques, affirme ses craintes en ce qui concerne la pratique d’un eugénisme scientifique : il permettra la sélection efficace des embryons et ouvrira de plus en plus largement ses critères de choix à des exigences non pathologiques. On ne peut d’autre part déterminer nettement quelles tares sont inconciliables avec l’humain, puisque certains individus en ont fait l’origine même de leur génie. Enfin, pour ces moralistes, il faut que les parents acceptent les aléas de la procréation et restent maîtres de leur décision.

 

 

le quiz nature de l’automne

Allez, une petite récréation, avant de plus sérieux sujets. Après l’astéroquiz qui avait follement égayé votre été, voici un très rapide quiz sur les merveilles de la nature en très gros plan. De quoi s’agit-il donc…

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Photo 1

A – De la mozzarella en bâtonnet

B – Une griffe de souris

C – Un poil d’ours blanc

 

Photo 2

A – Une holothurie (ou concombre de mer)

B – Une langue de chat

C – Un sex toy

 

Photo 3

A – Une truffe de taupe

B – Gérard Depardieu à la foire aux vins d’Anjou

C – Un truc bizarre apparu sur un des rats utilisés par Gilles-Éric Séralini

 

Ces photos sont extraites d’un petit livre fort sympathique : La nature vue de (très) près, Giles Sparrow (Dunod, 320 pages, 22€), qui nous invite à regarder au plus près notre environnement: animaux, plantes ou structures géologiques remarquables, avec des petits textes explicatifs plutôt instructifs.

Voici maintenant les réponses. Attention, comptez bien vos bonnes réponses, un voyage à Bali à gagner !

Photo 1

C – Un poil d’ours blanc

Avec ses 10 cm de graisse, sa peau sombre et fourrure, l’ours polaire est paré aux grands froids. Ses poils sont incolores et translucides, mais apparaissent blancs puisqu’ils reflètent tout le spectre lumineux. Le canal creux que l’on observe à l’intérieur ne joue pas, comme on a pu le penser, un rôle de fibre optique pour canaliser lumière et chaleur jusqu’à la peau.

Photo 2

B – Une langue de chat

La langue du chat est râpeuse, car elle est recouverte de minuscules papilles, longues d’un demi-millimètre, que l’on distingue bien sur l’image. Elles sont durcies par des fibres de kératines et orientées vers l’arrière de la gueule. Elles permettent au chat de passer de longues heures de sa journée de feignasse à se lécher la fourrure.

Photo 3

A – Une truffe de taupe

Le sens tactile très développé de la taupe se concentre dans son museau. A son extrémité, l’organe « d’Eimer » fait office de sismomètre intégré et détecte les vibrations causées par les petites proies qui tombent dans son tunnel. Sachez aussi que sa salive peut paralyser les vers de terre, faculté ô combien enviable.


Luc Ferry VS. la science: 4 reconversions possibles

Après avoir brièvement raillé notre ami Luc Ferry (grimé en Lieutenant Templeton « Futé » Peck de l’Agence tous risques du climatoscepticisme français), le bLoug souhaitait revenir sur quelques facettes de celui qui fut tout de même ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche (premier et deuxième gouvernements Raffarin, 2002-2004).

Si nous soulignons la Recherche, c’est que ce sont les rapport de Luc Ferry à la science qui nous intéressent ici. Avant de rappeler quelques uns de ses errements médiatiques sur le sujet, nous pouvons poser cette question préalable : était-il bien raisonnable de confier une telle responsabilité ministérielle à un philosophe qui a publiquement défini sa propre profession comme une sotériologie, soit le domaine de la théologie qui étudie les différentes doctrines du salut. La simple juxtaposition des deux termes soulignés constitue un début de réponse.

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Mais puisqu’il n’est plus ministre, voyons comment nous pourrions recaser Luc Ferry, ce génie, à l’examen des ses plus hauts faits d’armes.

1. Chroniqueur littéraire… du néofinalisme

“De tous les livres dont j’ai parlé cette année, c’est celui que je vous recommande le plus.”

Mais quel est ce chef d’oeuvre, me demanderez-vous. Nul autre que celui de Jean Staune, La sciences en otage. Le philosophe-chroniqueur s’était fait un plaisir d’en faire la promo lors de sa chronique hebdomadaire sur LCI en juillet 2007, en insistant sur l’objectivité et sur l’honnêteté de l’auteur dans la présentation d’un certain nombre de grande controverses, particulièrement celle sur le climat (voir le point 4). (Ca y est, vous avez fini de rire ? Poursuivons.)

Tapez « Luc Ferry science » dans Google (c’est une simple suggestion, ne vous croyez pas obligé d’avoir ce genre d’activité inepte), vous aurez une liste de résultats assez surprenante, dans laquelle à des chances de bien figurer le site de Jean Staune (4e position chez moi). On apprend ainsi, à propos d’un autre ouvrage de Staune, Notre existence a-t-elle un sens ? (ne l’achetez pas, la réponse est oui pour l’auteur), que notre piètre critique s’était déjà fendu d’un : « C’est à la fois un formidable livre d’introduction aux sciences contemporaines, mais aussi une réflexion sur les rapports de Dieu et de la science, un très beau livre. »

Des éloges qui ne surprendront pas lorsqu’on sait que Ferry a eu le bonheur de pouvoir dispenser son savoir à l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP), présidée par Staune (ce n’est d’ailleurs pas une université et elle n’a certainement pas pour objectif de diffuser et confronter les savoirs comme elle le prétend).

Mais le constat d’un échange de bons procédés masque une convergence bien plus profonde. On peut la comprendre à l’examen de la thématique du cours de Ferry à l’UIP, intitulé A la Recherche de Fondements pour notre Temps, et résumé ainsi sur son site :

La religion a régenté, des siècles durant, l’organisation de la société, définissant les normes comportementales des hommes. Aujourd’hui, notre civilisation place la liberté de pensée et d’action au-dessus de tout. Ce refus de normes imposées ” a priori ” rejette ainsi la religion dans la sphère privée. Mais comment pouvoir fonder une éthique de vie si l’homme n’est que le produit d’une histoire strictement contingente ? S’il n’est qu’un ensemble de molécules ? Comment trouver une sagesse pour notre temps, une spiritualité qui puisse être acceptée par une majorité de nos concitoyens ? Il semble que cela ne puisse être construit qu’à travers une conception non réductionniste de l’homme, qui reste encore en partie à préciser.

Ce qui unit les deux personnages, l’anti-darwinien notoire et l’ex ministre de la Recherche (du salut) , est une quête de sens. Soit, une posture de philosophe chrétien assez banale du côté Ferry, et chez Staune, rien d’autre qu’une entreprise organisée d’intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, pour reprendre le titre de l’indispensable ouvrage dirigé par Jean Dubessy et Guillaume Lecointre (Syllepse, 2001) dans lequel les agissements de l’UIP sont décortiqués (une version d’un texte de Lecointre étant consultable en ligne sur le site de l’AFIS).


2. Poète… de l’anti-écologie libérale

“Le GIEC, c’est un groupement où sont cooptés des patrons d’associations qui sont souvent des idéologues écologistes”

Flirtant sur une mode anti verts à base d’appréciations de haut vol telle que « l’écologie est une affaire de “bobos”, pour ne pas dire d’intellectuels », Luc Ferry entretient ici une confusion très prégnante dans le grand public autour de la nature du GIEC, qui ne serait rien d’autre qu’une machine onusienne à autoentretenir le business de l’alarmisme «réchauffiste».

C’est évidemment totalement faux et mensonger. [Aussi n'est-il pas inutile de rappeler que le GIEC, en tant qu'organisme, salarie moins de dix personnes. Il ne produit aucune recherche – et n'a donc aucune position à défendre. Les centaines d'auteurs qui participent à ses groupes de travail et élaborent ses rapports ne font que synthétiser les connaissances scientifiques, dans un processus transparent auquel les sceptiques participent s'ils le souhaitent. Ces auteurs font partie des meilleurs scientifiques de leurs domaines, ne sont pas rémunérés par l'ONU et sont renouvelés pour partie d'un rapport sur l'autre.]

Pourquoi ces contrevérités ? Parce que Ferry est lui-même essentiellement mû par des considérations idéologiques, comme une bonne part des climatosceptiques français qu’il ne cesse d’épauler. Assimilant écologie et gauchisme, il fait de la défense du libéralisme à tout crin cher à son camp une croisade anti-verts personnelle.

Pour vous en convaincre, je ne saurais trop conseiller ce “débat” : Quelle écologie pour aujourd’hui ? entre Ferry et Nathalie Kosciusko-Morizet. D’abord parce que c’est une des rares occasions qui vous sera donnée de trouver cette dernière presque sympathique tant elle semble consternée par les arguments de son contradicteur, ensuite parce que s’y étalent tous les préjugés de Ferry ainsi que les contre-vérités de la propagande sceptique.

 

3. Jury de thèse… en musicologie

« Je les aime vraiment fraternellement »

(Luc Ferry à propos des Bogdanov, dans l’émission Face aux Français, 05/10/2010)

Je ne me hasarderai pas ici à dénouer les fils du scandale permanent que constituent tant les ouvrages des Bogda que leurs prétention à faire œuvre de science, non plus que je ne m’aventurerai à décrypter les liens qui les unissent de longue date à notre Rastignac de la philo, perpétuellement ceint d’un halo de collusion entre pouvoir, médias et amitiés.

Dans le cadre de notre atelier de reconversion, je me contenterai donc de mentionner ces faits :

  • Luc Ferry a assisté à la soutenance de thèse des frangins (source Le Parisien)
  • Un rapport interne du comité national du CNRS flinguant proprement lesdites thèses a curieusement été enterré en novembre 2003 (voir ce dossier de Marianne)
  • A cette date, l’ami de toujours était en poste au Ministère de tutelle dudit CNRS.

Quelques doutes pouvant être émis quant à la capacité de Luc Ferry à juger de la qualité d’un travail en mathématiques ou en physique, nous lui suggérerons donc un tout autre domaine d’étude : la musicologie. Sur la seule base de ce souvenir de vacances d’un Bogda, tiré d’un papier du Nouvel Obs du 23 juin 2011 :

“On faisait de la guitare sur le port (Port-Grimaud), il (Luc Ferry) chantait “les Sabots d’Hélène”.

Une émotion immodérée m’étreint lorsque je tente de me figurer cette scène charmante.

 

4. Chercheur… en économie du travail

« J’ai beaucoup de travail »

Cette saillie drôlatique fut prononcée par Luc Ferry pour sa défense à l’occasion de la révélation de ses légers manquements à l’éthique professorale : Professeur de philosophie à l’université Paris-Diderot (Paris-7) depuis 1996, notre étourdi n’y aurait en fait jamais mis les pieds, bénéficiant suite à ses aventures ministérielles d’une mise à disposition auprès du Conseil d’analyse de la société (CAS) de 2005 jusqu’en septembre 2010, avant que la loi sur l’autonomie des universités rende cet arrangement caduc (un rappel de l’affaire avec cet article du Monde).

Incroyable mais vrai, le Ministère de l’enseignement supérieur a alors proposé de fournir au philosophe une « délégation du CNRS », c’est-à-dire un nouvel arrangement le dispensant de tout service d’enseignement pendant 6 mois ou un an consacrés à une activité de recherche au CNRS.

L’histoire ne dit pas ce que notre philosophe aurait bien pu chercher, mais Matignon s’est finalement prestement chargée de rembourser Paris-7 des 4 499 euros net mensuels indûment versés à partir de 2010 (pour 192 heures d’enseignement annuelles seulement…).

Valérie Pécresse (Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à cette date) se chargea de clôre l’affaire d’un brillant :  « il n’était pas payé à ne rien faire. »

Elle avait raison. Rien qu’en 2009, par exemple, Luc Ferry a tout de même publié 5 ouvrages ! Et faire les plateaux de télé pour les vendre, ce n’est pas de la tarte, figurez-vous.

 

les livres dont j’ai parlé cette année, c’est celui que je vous recommande le plus. »

“l’homme descend du singe”: ce que pensent certains étudiants (2)

Nous avons vu précédemment ce que  les étudiants de BTS de notre échantillon pensent être les faits concernant la parenté homme / singe (rappel des résultats) Voici maintenant, pour chaque catégorie de répondants, ce qu’ils pensent spontanément de l’expression “l’homme descend du singe” ? Décryptage d’un discours souvent flou globalement épargné par les considérations religieuses.

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Synthèse

Une courte synthèse de ces résultats pourrait être celle-ci : pour les étudiants de BTS interrogés l’expression l’homme descend du singe est familière. Que ce se soit en bien ou en mal, elle renvoie de façon assez lointaine et diffuse à l’évolution ou à Darwin. Elle éveille par contre assez largement des « réflexes » de recherche de similitudes probablement acquis en cours de SVT, mais l’interprétation de ces similitudes trahit une incompréhension ou une méconnaissance des mécanismes évolutifs (s’il y a beaucoup de similitudes, alors, oui, c’est que l’homme doit descendre du singe…). Il y a une curiosité réelle par rapport à l’affirmation, mais, faute de bases suffisantes, pas suffisamment d’esprit critique permettant de résoudre seul ses interrogations. En conséquence, la posture est purement attentiste : la science doit me dire si c’est vrai ou pas, et c’est à peu près tout ce que j’ai besoin de savoir pour dissiper la confusion. Les étudiants antiévolutionnistes sont en proportion relativement limitée et émettent des doutes liés à des carences épistémologiques plutôt qu’une opposition ferme liée à des convictions religieuses. Nous ne devrions pas nous réjouir de la faiblesse du militantisme créationniste dans notre échantillon, mais plutôt appeler à la vigilance. Compte tenu des lacunes constatées sur les mécanismes évolutifs, il est en effet douteux qu’aucun de ces étudiants soit en mesure, par exemple, de réfuter la rhétorique frauduleuse de l’Intelligent design s’il s’y trouvait confronté. La notion de dessein est certes complètement absente des commentaires. Mais le concept de sélection naturelle, entre autres, l’est tout autant.

Détail: Quelques considérations transversales

Dans l’ensemble, les étudiants répondent avec sérieux à la question posée et transmettent du mieux qu’ils peuvent ce que leur suggère l’expression. Peu saisissent l’occasion d’une blague facile et ceux qui le font essayent d’être un peu plus originaux que les messages qu’on trouve habituellement sur les forums (« L’homme ne descend pas du singe, mais du mouton ». Cela change un peu du sempiternel singe qui descend de l’arbre).

À quoi renvoie l’expression le plus souvent ? Pas à Darwin ! Seuls 12 étudiants (environ 10 %) mentionnent le nom du savant britannique ou le darwinisme. Si l’on part du principe que l’homme descend du singe est un raccourci frauduleux des idées de Darwin, on se trouve assez loin de la vérité dans la mesure où… Darwin n’a pas l’air vraiment connu (ou, au choix, a été supplanté par la popularité de la formule qui lui est imputée). Pour ceux qui le mentionnent, le lien de « paternité » n’est pas forcément établi, mais quelques-uns assimilent bien directement la théorie de Darwin à l’idée que l’homme descend du singe (« Si l’on en croit la théorie de Darwin, oui l’homme descend du singe »). Peut-être aurons-nous un peu plus de succès avec la notion d’« évolution » ? À peine. Seulement 27 occurrences du terme parmi les commentaires ! C’est incroyablement peu (un étudiant sur cinq) pour un supposé raccourci universel de la théorie de l’évolution.

De quoi, donc, est-il massivement question à travers les réponses des étudiants ? De ressemblances. Ou plutôt de « similitudes », pour utiliser le mot qui revient comme un leitmotiv. Tout y passe : similitudes physiques, comportementales, psychiques, sociales…

Cette quasi-absence de la figure de Darwin, cette faible présence de la théorie de l’évolution et enfin ce recours quasi systématique à la recherche de points communs ne sont bien entendu pas fortuits. Ils reflètent certainement la façon encore incomplète dont est enseigné l’évolutionnisme au collège et au lycée. Impossible de savoir quel enseignement des SVT ont connu ces étudiants, mais voici ce que dit Corinne Fortin du programme de 1994 dans une réponse faite à une enseignante sur le forum Forum National de SVT :

« La démarche pour justifier de la parenté était fondée sur les similitudes de l’organisation du vivant au niveau cellulaire, anatomique, génétique. En vertu du partage des similitudes chez les différentes espèces, l’idée d’une origine commune était prononcée comme une évidence. »

Une chose est claire, la quête de similitude demeure au centre de la pédagogie. Il est patent, chez nos étudiants de BTS, que le réflexe a persisté. En voici un aperçu :

« Je suis d’accord avec cette expression, on voit bien en observant les singes qu’il y a énormément de similitudes, pas réellement physiques, mais dans certaines manières » ; « L’homme et le singe ont un ancêtre commun, d’où découlent des similitudes comme le mode de vie en société ou l’application de règles sociales » ; « Le singe est l’animal qui ressemble le plus à l’homme physiquement ; l’homme est une évolution du singe, il se tient plus droit, il a moins de poils, il se tient debout alors que le singe est plus courbé, ne se tient pas beaucoup debout… le singe est intelligent et vit en société, comme l’homme, mais l’homme travaille plus son cerveau en l’éduquant ».

Cette dernière citation ressemble à s’y méprendre à un effet pervers de la pédagogie développée : la recherche de similitudes vire à la performance, c’est à celui qui en débusquera le plus ! (certains paléontologues se reconnaîtront peut-être aussi dans ce travers…)

Second écueil de la méthode, l’existence de similitudes ne prouve en soi aucune parenté. Ce dont témoigne Corinne Fortin (à la suite de sa réponse précédente) :

« Pour les élèves, le fait de partager autant de similitudes n’est pas nécessairement compris comme un argument en faveur d’une origine commune. L’obstacle qu’ils rencontrent n’est pas d’ordre pédagogique, mais bien épistémologique, c’est-à-dire intimement lié à la construction du savoir scientifique. Un retour à l’histoire des sciences nous rappelle que Cuvier et les fixistes utilisaient ce même argument du partage des similitudes pour justifier de la fixité des espèces. »

Exemples pris chez nos étudiants de BTS :« Les similitudes entre l’ADN humain et celui du cochon sont nombreuses, certaines greffes ont même été réalisées, ce n’est pas pour autant qu’il y a un lien de parenté ». Cette autre opinion particulièrement alambiquée révèle une confusion totale sur les interprétations de ces similitudes : « Beaucoup de similitudes ont été détectées entre l’homme et le singe ; ils semblent donc avoir un ancêtre commun, mais l’évolution semble aussi jouer un rôle concret dans leur descendance… [série de points d'interrogation marquant l'incompréhension] »

Comme l’explique Corinne Fortin, montrer n’est pas démontrer, et l’apprentissage des mécanismes évolutifs fait défaut pour comprendre ce qui est montré :

« Bien sûr, les difficultés épistémologiques rencontrées par les élèves ne seront pas gommées, de facto, par la présentation des mécanismes évolutifs. Mais, les schémas mentaux erronés qu’ils ont, en particulier, sur la sélection naturelle (ex. : la loi du plus fort, la lutte pour la survie, etc.) pourront à cette occasion être rectifiés. Les élèves disposant de quelques éléments explicatifs (et pas seulement descriptifs) seront, plus à même, du moins faut-il l’espérer, dès la classe de seconde, d’avoir un premier regard critique sur le discours créationniste. »

Concrètement, concernant la recherche de similitudes, il s’agit de faire comprendre aux élèves qu’elles s’inscrivent dans un processus à deux étapes : d’abord d’un pari sur une parenté que l’on peu perdre ou gagner, et ensuite seulement, si le pari est gagné, d’un résultat ayant valeur de preuve phylogénétique.

Examinons maintenant les commentaires des répondants à notre questionnaire en fonction de la réponse qu’ils ont apportée à la question de connaissance.

 

Détail – commentaires par catégories de répondants

• « Je refuse de répondre à cette question » — 2 %

Seuls trois étudiants ont refusé de répondre à la question. Le motif de l’un d’eux est sans ambiguïté religieux et ouvertement suspicieux à l’égard du savoir établi : « Rien ne nous dit que la vérité est celle que l’on nous dit et redit. Cette expression est la contradiction totale de la Bible et cela suscite de réels problèmes entre chrétiens et scientifiques. » Le motif de refus des deux autres n’est pas suffisamment clair pour être lié à des convictions religieuses.

 

• « Je ne sais pas » – 12 %

Qui sont les étudiants qui ne savent pas (ou le prétendent) ? Parmi les 15 personnes avouant sécher sur le sujet, une seule apporte un commentaire qui exprime un doute lié à des croyances religieuses (et il s’agit bien de doute, puisqu’elle aurait pu cocher l’une des deux réponses niant l’évolution en cas de conviction plus affirmée) :

« J’ai longtemps entendu que l’homme descend du singe ; jusqu’à un certain âge, j’y ai cru, car des historiens ont démontré des similitudes entre eux. Or aujourd’hui, je suis dans le doute, car si l’homme descend du singe cela revient à remettre en cause la création de l’homme par Dieu ».

Les autres ont, pour la plupart, de réelles interrogations sur la question et estiment n’avoir pas les cartes suffisantes en main pour trancher. D’un individu à l’autre, la balance pourrait pencher d’un côté ou de l’autre :

« Nous sommes des mammifères ressemblant beaucoup aux singes. Les espèces ont évolué. Même l’espèce humaine continue à évoluer. Alors pourquoi pas. » « Je ne pense pas que nous descendions du singe en lui-même, peut-être d’une forme de primate plus évolué. La théorie de l’évolution est et sera toujours très controversée. Pour ma part, mes connaissances dans le domaine scientifique ne sont pas assez précises pour que je me prononce sur le sujet. » « Je suis un singe en fait ; c’est incroyable, comment un singe peut-il devenir un homme ? »

Pour ces étudiants en pertes de repères, c’est plutôt la science qui est prise en défaut :

« Les recherches prêtent à confusion », « Cela s’est passé il y a longtemps et les solutions à cette question peuvent être multiples »

… Mais il est vrai que leur registre de preuve est parfois un peu particulier : « L’humain mange des bananes comme les singes » !

Enfin, d’autres étudiants soulignent que l’expression est fausse, mais ne trouvent manifestement pas chaussure à leur pied dans les autres réponses proposées.

• « Aucune des trois premières propositions : les espèces n’évoluent pas » – 4 %

Attaquons-nous aux étudiants qui ont nié l’évolution en bloc. Ils ne sont que cinq et leurs commentaires ne surprendront pas :

« C’est absurde, l’homme est créé par Dieu. Cette expression n’est pas fondée. Certes, le singe nous ressemble, mais nous ne descendons pas de lui » ; « ce n’est qu’une expression, l’homme ne peut pas être identifié à un animal ». On retrouve l’argument préféré du créationnisme : « Je ne suis pas de cet avis. Le singe existe encore aujourd’hui ».

Similitudes, ressemblances, d’accord, mais parenté et évolution, pas question. Chez une personne, on voit poindre un doute très honnêtement exprimé : « Lorsque j’entends cette phrase, j’ai tendance à vouloir y croire, mais ma religion me dit le contraire. Mais j’avoue qu’il y a une très grande ressemblance entre les deux. » Qui a dit que l’expression l’homme descend du singe était forcément nocive ? Dans ce cas précis, elle suffirait presque à convaincre de la réalité de l’évolution !

 

• « Aucune des trois premières propositions : l’évolution des espèces ne concerne pas l’homme » – 15 %

Qu’en est-il de nos antiévolutionnistes sélectifs, ceux qui pensent que l’homme mérite une dispense compte tenu de son statut d’exception ? Parmi eux, seuls cinq (sur 22) font valoir une création divine de l’homme, avec une conviction très variable :

« L’homme ne saurait descendre du singe, il y a un Dieu créateur qui a créé l’homme » ; « plusieurs motifs nous font penser que c’est la vérité, plusieurs preuves… mais il y a aussi la religion ».

À nouveau, chez certains de ces croyants, on sent poindre un tiraillement authentique entre leurs croyances et leur volonté d’en savoir plus, comme cet étudiant qui aimerait vraiment avoir le fin mot de l’histoire (mais n’a pas assimilé les principes de base de l’évolution) :

« Il faudrait que l’on sache un jour qui fut présent en premier et savoir réellement lequel est né de l’autre. Cette phrase ne serait-elle pas une façon de contrer la religion et ainsi de prétendre la non-existence de Dieu en reniant ainsi le père Créateur ? Et puis pourquoi certains restent singes ? Sommes-nous au départ un singe et on tire ensuite à pile ou face ? »

Chez ceux qui ne laissent transparaître aucune conviction religieuse, on trouve un certain nombre de remarques indignées : la parenté simienne dérange, manifestement, et cela seul suffit à décréter que l’homme n’évolue pas. Pour ces victimes de nos représentations anthropocentriques, chacun chez soi, les singes dans l’arbre et l’évolution sera bien gardée :

« L’homme est un être humain et le singe un animal » ; « Je ne pense pas qu’un animal puisse engendrer un être humain » ; « La ressemblance est forte, mais je ne crois pas à cette théorie ; néanmoins, le singe reste un animal doté d’intelligence, parfois même surprenant » (Merci pour lui).

Une bonne façon de contourner le problème est d’expliquer que la similitude était surtout vraie pour notre véritable ancêtre, encore mal dégrossi, qui ressemblait un peu plus à un singe :

« Les deux espèces n’ont rien en commun, c’est juste que l’homme préhistorique a des ressemblances avec le singe, mais avec l’évolution des races, l’homme a changé » ; « Ce n’est pas cohérent, l’homme descend d’une espèce disparue, l’homme de Néandertal, tandis que le singe est toujours un primate avec une intelligence qui est restée pauvre » (encore merci).

On soulignera ici que le terme de préhistoire, l’homme de Néandertal, celui de Cro-Magnon, Lucy, etc. sont des objets aux contours flous – et que les chercheurs qui s’attachent à démontrer que l’homme descend du singe sont des « historiens » (paléontologie ne fait pas partie du vocabulaire ; par ailleurs, pour rester sobre sur l’orthographe, ma préférence va à l’« hostralopitec »).

Pour en terminer avec ce groupe d’étudiants, il faut noter deux commentaires qui nous renvoient à la connotation raciale de l’expression :

« Cette phrase a une connotation raciale », « Cela conduit à stigmatiser l’homme noir »

 

• « L’homme descend du singe » – 32 %

Autant le dire franchement, le tiers d’étudiants qui pense que l’homme descend du singe est parfaitement à son aise avec cette inexactitude, et ce de façon très homogène. « C’est scientifiquement exact ». Ce sont des « études » ou des « ouvrages » qui le disent. « C’est véridique, l’homme est une évolution du singe. Nous venons tous du singe. »

Pour la plupart, cette conviction procède essentiellement d’une chose : les similitudes. Ce sont d’abord elles qui montrent que l’homme descend du singe :

« Les études scientifiques ont pu prouver que l’anatomie humaine est semblable à celle du singe » ; « C’est une expression sûrement exacte à cause de la ressemblance troublante qu’il y a entre les hommes et les singes »

Comme le craignait Corinne Fortin, le principe de monstration trouve pleinement ses limites si l’on ne dit rien des causes explicatives du fait montré.

L’intérêt ou l’affection pour les singes renforcent le sentiment de proximité (ici, pas de susceptibilité anthropocentrique mal placée) et amènent quelques arguments un peu naïfs :

« Il n’y a pas de différence entre l’homme et le singe, nous avons tous des sentiments : quand on observe un groupe de singes, on voit qu’ils se font des câlins, qu’ils rient… » ; « je dois être l’une des seules à penser ça, mais OUI, je suis passionnée par les singes, je regarde des documentaires, je lis des articles et je trouve assez hallucinante la ressemblance que les hommes ont avec les singes… ils se grattent pareil ».

En dehors de cette recherche de similitudes, peu de mentions faites de l’évolution. Les étudiants y croient sans conteste, la mentionnent parfois, tentent quelques explications plus ou moins maîtrisées (« L’ancêtre de l’homme est le singe. Les évolutions des espèces sont en parallèle et non en ligne continue. Nous avons tous à un moment un ancêtre commun. Les évolutions et les milieux de vie ont donné naissance à tous les êtres vivants qui coexistent aujourd’hui sur la terre »), mais, dans l’ensemble n’ont pas besoin d’aller chercher d’autre preuve que la ressemblance : « Au niveau scientifique, il a été prouvé que l’homme descendait du singe. Selon moi, des attitudes, des gestes, certains rituels sont similaires et nous prouvent que l’homme a un lien ancien avec le singe. » Peut-être influencés par l’expression, les tenants de l’homme descend du singe ne perçoivent pas l’évolution comme un phénomène continu, mais plutôt comme des sauts ponctuels (on évolue un temps puis on fait une pause ; il y a eu « plusieurs » évolutions). Certains s’inquiètent même de ce qu’il adviendra de l’espèce humaine : « Si c’est ainsi, quel genre d’espèce les humains deviendront-ils dans les siècles à venir ? Allons-nous nous transformer complètement ? »

Des antiévolutionnistes déguisés ont-ils cochés « par erreur » la case l’homme descend du singe ? C’est peut-être le cas de cet étudiant qui dénonce un conditionnement qu’il ne semble pas apprécier : « Cela m’évoque une réalité que l’on nous a toujours inculquée (sic). En effet, avant d’être un être humain, chaque personne était un “singe” ».

Plus intrigante est cette espèce hybride de créationniste athée : « Même si je ne suis pas croyante, je préfère me dire que l’homme descend d’Adam et Ève ».

• « L’homme et le singe ont un ancêtre commun » – 34 %

Nos 34 % d’étudiants avec la réponse juste sont-ils de fervents évolutionnistes ? Ont-ils simplement bien appris leur leçon ? Ou encore, ont-ils simplement eu de la chance ?

À vrai dire, ils sont bien peu à avoir tordu le cou à l’expression l’homme descend du singe dans leur commentaire et, plus globalement le contenu scientifique de leur discours reste pauvre – quand il n’est pas sans queue ni tête. Les avis clairement exprimés sur la question sont rares :

« L’homme et le singe ont un ancêtre commun. Cet ancêtre est virtuel et suite à certaines mutations/adaptations génétiques, certaines espèces telles que l’homme et le singe ont pu apparaître. Si l’homme “descendait” du singe, il n’y aurait plus de singe. »

Quelques mentions de Darwin et de l’évolution. Une bonne dose de similitudes, rarement de faits concrets (« L’homme et le singe ont leur ADN similaire à 90 % ») et quelques dérapages incontrôlés (« Je dirais plutôt qu’il est un cousin de l’homme ou le mélange du singe et d’une molécule qui s’est ajoutée à cette race »). La plupart s’accommodent plutôt sinon complètement de l’expression :

« Je suis tout à fait d’accord avec cette expression, d’après ce qu’on remarque comme ressemblance, on peut supposer que l’homme descend du singe ».

Parmi les failles révélatrices, celle consistant à croire que le singe n’a pas évolué ou que l’homme est supérieur :

« Je ne pense pas que l’homme descend du singe, car si c’était le cas, lui aussi aurait évolué à notre niveau » ; « La morphologie de l’homme et du singe est la même, à quelques exceptions près ; avec le temps et les études, on sait que l’homme est supérieur au singe ».

Quelques-uns relèvent la contradiction logique interne de l’homme descend du singe, mais sans arrière-pensée créationniste (peut-être ont-ils eu un enseignant de SVT qui mettait à profit l’expression pour en démontrer l’absurdité) :

« A mon avis il existe une évolution de l’espèce ; néanmoins, si l’homme est l’évolution du singe, pourquoi le singe est-il toujours là ? »

La coexistence de propositions justes et de représentations erronées embrouille certains esprits :

« Le singe est notre ancêtre : l’homme a juste subi une évolution différente à un moment donné ; mais le singe existe toujours… alors descendons-nous vraiment du singe ou sommes-nous juste cousins ? »

S’il est difficile de déterminer si certains ont répondu vraiment au hasard à la bonne question, on n’en repère en tous cas qu’un seul à avoir vraisemblablement coché la réponse attendue sans y adhérer : « C’est hors religion et purement scientifique ; cette expression semble irréaliste, pourquoi les autres singes n’ont-ils pas évolué ? »

Une posture de dissimulation minoritaire à laquelle on préférera sans doute le défaut de connaissance du plus grand nombre.

 

 

 

“l’homme descend du singe”: ce que pensent certains étudiants (1)

Dans le cadre d’un travail de recherche sur l’expression “l’homme descend du singe”, le bLoug a réalisé de ses blanches mains une mini-enquête auprès d’étudiants en BTS. Un résultat que l’on se gardera bien d’extrapoler compte tenu de l’échantillon modeste (!) mais qui apporte un éclairage sur les difficultés d’appréhension de l’évolutionnisme en croisant données chiffrées et commentaires qualitatifs.

Le point sur la méthode et le résultat dans cette première partie ; dans la seconde, du verbatim étudiant à haute valeur ajoutée

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Cadre

En dépit de programmes scolaires structurés, de professeurs qualifiés, des multiples actions de médiation scientifique, l’enseignement de l’évolution se heurte aujourd’hui en France à une recrudescence de scepticisme et de contestation de la part de certains élèves.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, être engagé dans une filière scientifique n’est même pas un gage de meilleure compréhension. De 2006 à 2008, dans le cadre d’un cours intitulé « Diversité du monde vivant et évolution », 1134 étudiants de biologie de l’Université d’Orsay ont répondu à un questionnaire [1] destiné à évaluer leur niveau de connaissance sur « l’évolution biologique ». Résultats des courses : l’évolution n’est qu’une « hypothèse » pour 32 % des étudiants de biologie. L’enquête, publiée en 2009, a provoqué de vives réactions d’inquiétude (mais pas de surprise) chez les chercheurs et les enseignants.

Il faut réintroduire dans l’enseignement des sciences des éléments explicites d’épistémologie. Si les objections des étudiants relèvent partiellement de lacunes en biologie pure, la plupart d’entre elles relèvent en fait de lacunes en épistémologie de l’évolution. Nulle part on ne leur enseigne ce qu’est une théorie scientifique et ses rapports avec les faits. Nulle part on ne leur parle de hasard et de processus historique. Nulle part on ne leur dit clairement la nature de la séparation entre les discours de valeurs et les discours de faits. Enfin, pour le moment aucun « périmètre » de scientificité n’est explicité, ce qui n’arrange pas l’articulation ente les savoirs scientifiques et les certitudes métaphysiques.1

Guillaume Lecointre

(voir les réactions sur le site de Sciences et Avenir).

 

Principe

Mais que signifient les 32 % d’étudiants reléguant l’évolution au rang des croyances ? Comme souvent avec des quantités isolées, les données soulèvent autant de questions qu’elles en résolvent…

En m’inspirant du questionnaire d’Orsay [1], mais à une échelle bien plus modeste, j’ai conçu un questionnaire très simple permettant de croiser une mesure de la connaissance et une appréciation qualitative. Il a été distribué à des élèves de BTS de diverses filières. [2]

Au recto, une question dite “ouverte”, destinée à recueillir l’opinion libre de chaque élève sur l’expression “l’homme descend du singe” :

« L’homme descend du singe. » Que pensez-vous de cette expression ?
[indiquez en quelques phrases tout ce qui vous vient à l’esprit lorsque vous entendez cette expression ; il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, dites simplement tout ce qui vous passe par la tête]

 

Au verso, une question dite “fermée”, destinée à mesurer le niveau de connaissance :

Parmi ces affirmations, quelle est celle qui vous semble exacte :
[cochez une seule case]

  • L’homme descend du singe
  • L’homme et le singe ont un ancêtre commun
  • Le singe descend de l’homme
  • Aucune des trois premières propositions : l’évolution des espèces ne concerne pas l’homme
  • Aucune des trois premières propositions : les espèces n’évoluent pas
  • (Je ne sais pas)
  • (Je refuse de répondre à cette question)

Précisions

L’ordre de réponse aux deux questions à son importance : l’élève doit exprimer son opinion sur l’expression avant de voir les modalités de réponse à la question fermée. De cette façon, il peut s’exprimer spontanément, sans être orienté. La palette d’opinion est ainsi plus vaste (le répondant n’est pas induit à se positionner nécessairement sur le terrain scientifique) et plus proche de la réalité des connaissances et représentations (qui peuvent être basiques). La formulation de la question fermée essaye de capter en même temps – et l’exercice est délicat à mettre en mots – l’attitude générale par rapport à l’évolutionnisme et la connaissance du statut du couple homme/singe. La référence à Dieu ou à la religion est volontairement absente : les personnes croyantes ont différentes possibilités de réponse, ce qui les incite à se positionner franchement, sans chercher à masquer leur conviction religieuse. La terminologie employée est volontairement simple et – tant pis pour l’essentialisme ! – positionne systématiquement « l’homme » par rapport au « singe ». C’est une façon de mettre toutes les réponses sur un pied d’égalité, sans que l’une sonne particulièrement probable ou improbable.

 

Résultat

Base 122 étudiants de BTS. réalisé en 2011.

 

Parmi ces affirmations, quelle est celle qui vous semble exacte ?
[une réponse]

Si la perspective évolutionniste est majoritaire (les deux tiers des étudiants), un sur cinq réfute toutefois le fait évolutif ou exclut l’homme du processus. Par ailleurs, l’idée que l’homme puisse littéralement descendre du singe ne choque pas : un tiers des répondants pensent que l’affirmation est juste, une proportion identique à celle qui identifie la position scientifiquement correcte : homme et singe partagent un ancêtre commun. L’”affaire Ardi” (en 2009, certains médias crurent bons de titre “le singe descend de l’homme” à propos des nouvelles données publiées sur Ardipithecus ramidus),  n’ont ici laissé aucune trace : personne n’estime que c’est le singe qui descend de l’homme. La part d’étudiants ne se positionnant pas (par faute de connaissance, peu par principe) est relativement importante pour une question somme toute aussi prégnante dans nos représentations.

 

Teaser de la seconde partie :

C’est complètement idiot ! Ce n’est pas parce qu’on a trouvé des crânes de singes ressemblant à ceux des humains qu’on descend forcément des singes ; cette thèse a été complètement réfutée par bon nombre de personnes ; rien ne prouve que c’est vrai, je n’y crois pas du tout, c’est comme le père Noël.

Un étudiant de BTS

 

[1] Le questionnaire, qui m’a été communiqué par Pierre Capy, comportait entre autres les questions suivantes : « L’évolution concerne l’ensemble des espèces, y compris l’homme » (Oui/ Non) ; « Rayez la ou les affirmation(s) erronée(s) : L’homme descend du singe/ L’homme et le singe partagent un ancêtre commun/ Le singe descend de l’homme/ L’homme est un singe parmi d’autres

[2] Il s’agissait d’étudiants de 1re et de 2e année, alternants, initiaux ou en formation continue. Leurs filières étaient celles de l’immobilier, de la banque, de la vente et de l’assistance de gestion.

Tableau des marges d’erreur (le truc qu’on ne vous montre jamais dans un sondage publié ; désolé pour la résolution crade)

 

L’origine des espèces de Darwin, version murale

Hé oui, ce truc gris est un poster du texte intégral de L’origine des espèces, de Charles Darwin (en anglais). 55.99 £ quand même, pour un version non encadrée (1189 x 841mm). Il y a quand même une silhouette de pinson pour égayer…

 

On recommandera plutôt ce bon vieux format livre, avec retraduction en français sous la direction de Patrick Tort, chez Honoré Champion pour la version “poche” (22,5 €) ou Slatkine si vous êtes plus fortuné (85 €).

Si vous le voulez vraiment dans votre chambre :© http://www.spinelessclassics.com/


l’Agence tous risques du climatoscepticisme français

 

Après le récent flop du climategate 2, le barnum Sarkozy vient de rattraper ce vieux chewing-gum d’Allègre… lequel n’aurait (ouf!) pas l’intention de briguer un nouveau maroquin… Prudent, le bLoug préfère mettre en garde les lecteurs innocents contre un retour de la plus fine équipe du french climatoscepticisme.. celle de… l’Agence tous risques !

 

Pitch

[« Accusés d'un crime qu'ils n'ont pas commis, n'ayant aucun moyen d'en faire la preuve, ils fuient sans cesse devant leurs poursuivants. Pour subsister, ils emploient leurs compétences. Si la loi ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l'Agence tous risques. »]

Agacé par un climat qu’ils n’ont pas compris, n’ayant aucun moyen d’apporter des preuves, ils se dérobent sans cesse devant leurs contradicteurs. Pour subsister, ils dévoient leurs compétences. Si la science ne peut plus rien pour vous, il vous reste un recours, un seul : l’Agence tous risques.

 

Personnages

Colonel John « Hannibal » Smith
[Amateur de déguisements en tous genres et cerveau de l'équipe ; auteur de la célèbre réplique "j'adore quand un plan se déroule sans accrocs"...]

Colonel Jean « Hannibal » Martin (aka Jacques Duran)

Jean Martin est l’animateur du site Pensée-Unique, repaire favori des climato-sceptiques français. Il a agité la blogosphère en entretenant le mystère sur son identité. Sous le pseudo de Jean Martin se cache Jacques Duran, directeur de recherches au CNRS à la retraite, spécialiste de la physique des poudres et des grains… domaine dont le lien avec le climat saute bien évidemment aux yeux. Non content d’être un fatras de tout ce qui peut nuire au GIEC et contribuer à la désinformation, Pensée -unique est également une atteinte au bon goût visuel.

Incontestablement un bon plan pour le climatoscepticisme que d’avancer masqué sur la toile. Heureusement, les plans d’Hannibal ne se déroulent généralement pas comme prévu.

 

Lieutenant Templeton « Futé » Peck

[logisticien de la bande, c'est un baratineur hors pair ; grand séducteur, il mène un train de vie luxueux et aime les belles voitures...]

Lieutenant Luc « Futé » Ferry

Doit-on vraiment présenter l’immense philosophe de plateau qu’est Luc Ferry ? Cet ancien ministre de l’Education et de la Recherche est une recrue de choix pour l’Agence. Intime des Bogdanov, promoteur des ouvrages de Jean Staune, il ne pouvait qu’affirmer sa profonde compréhension de la science en rejoignant les rangs du climatoscepticisme et en défendant les œuvres d’Allègre. Côté réseau, c’est bingo: le carnet d’adresses du salonnard est fourni en adresses de tous bords et en bons plans variés, comme celui qui consiste à être payé 4500 € par mois pendant 14 ans pour un poste d’enseignant à Paris Diderot sans jamais y avoir mis un orteil.

Un sacré recrutement pour l’Agence, mais sans doute pas très fiable: ces derniers temps, notre petit futé s’ingénie à se démarquer du sarkozysme pour se dégotter une nouvelle auberge.

 

Capitaine Henry M. « Looping » Murdock
[pilote émérite, très cultivé, il est aussi interné pour une folie galopante : il s'identifie à des personnages fictifs, a des hallucinations et parle à un chien invisible...]

Capitaine Vincent « Looping » Courtillot

Vincent Courtillot, désormais ex directeur de l’Institut de physique du globe de Paris, aurait pu être professeur de grec ancien. Il a finalement mené une brillante carrière de géophysicien avant de se prendre pour Mr Soleil. Il s’est brûlé les ailes en cherchant à démontrer une corrélation entre géomagnétisme, activité solaire et variation des températures moyennes de la Terre, courbes truquées à l’appui. Ses pairs ont vilipendé ses méthodes et ses erreurs de débutants mais n’ont pas réussi à le ramener au sol : Courtillot plane, persuadé que la Terre est plate et noire, tout comme il était convaincu du rôle prééminent du volcanisme dans la disparition des dinosaures.

Capable d’affirmer que le bouquin de son mentor Allègre « ne paraît contenir que des choses exactes », Vincent « Looping » Courtillot court probablement les castings pour le remake de Y a-t-il un pilote dans l’avion.

 

Sergent Bosco B.A Barracus « Barracuda »
[le gros bras de service, phobique des engins volants, constamment en trains de se chamailler]

Sergent Claude Allègre « Barracuda »

Oui, il aurait sûrement voulu être le chef, mais un ex-éléphant ne saurait jouer Hannibal, fût-il  doté d’un égo de la taille du massif alpin, et le rôle de Barracuda colle admirablement à son style tout en finesse. Ses gros bras lui permettent de lutter contre la force centrifuge de l’âge, qui l’éloigne inexorablement du pouvoir : amiante, mammouth, climat, nucléaire, crise de l’euro…, notre « Barracuda » de la science est prêt à castagner tout ce qui bouge dans les médias pour exister. A condition d’être seul contre tous, tel un Galilée des temps modernes. Aimant cogner à grands coups de pavés, il tient son chef d’œuvre avec L’imposture climatique : “la quantité de torsions de la réalité, de mensonges directs ou par omission, de calomnies et de méchancetés imprimées par centimètre carré de papier y est étourdissante” juge un Stéphane Foucart admiratif ; sa phobie de l’exactitude est telle qu’il arrive à citer des sources en se trompant sur le nom de l’auteur, le nom de la revue et la date de la publication !

Une performance qui lui vaut sans doute de bénéficier de la perpétuelle brosse à reluire de médias complaisants… Mais nous devrions malgré tout en profiter, avant qu’il se mette à la littérature érotique…